N. Chomsky, W. Heisenberg, J.L. Mélenchon et J. Aniston

Ou une rencontre politique sur l’univers chaotique des médias

Moi, je suis pour la pédagogie inductive, et si nous prenons le pouvoir ce sera une révolution dans l’éducation nationale”. Rencontrer J.L. Mélenchon, alors en pleine digression scientifique, laisse circonspect. Il sort fraîchement de la lecture d’une revue de vulgarisation scientifique et levant le menton, annonce de go qu’il s’est essayé à rédiger sur la théorie du chaos dans l’espace politique et social… Alors dans ces conditions…
Moi, vous savez je parle de tout ce que vous voulez…”. Il suffit de le “connaître” un peu, pour savoir qu’il peut parler de tout, longtemps. Très. Alors, ce sera les médias. C’est ce qui est décidé par l’organisation. On pense se rendre chez J.L. Mélenchon et lui faire rendre gorge sur un sujet donné. Erreur.

Critique médias…et mélange des genres ?

Parler des médias avec J.L. Mélenchon c’est entrer dans l’engrenage des contradictions d’un homme politique qui échafaude une réflexion solide sur son environnement, mais aussi une relation inextinguible avec ce qui fait sa force, son rayonnement.
Sur la gauche et les médias, il concède après quelques tiraillements que la libéralisation des années 80 fut une erreur. Tenaillé par l’appel de la liberté, déçu immédiatement par ses mirages. Dans son approche du système médiatique, il reprend là l’analyse de N.Chomsky sur la fabrication du consentement. C’est-à-dire un univers codifié, suiviste qui ne véhicule que l’expression de la pensée dominante. En l’occurrence le dogme libéral de la consommation, de l’avoir, du paraître. Pour illustrer ses envolées, il citera Le Monde ce journal de “référence” définitivement classé au centre droit. Et il critiquera aussi des magazines féminins comme le vecteur d’une pensée unique. Pulsionnelle.
Pourtant, il venait d’accorder une interview à un magazine “pipole”. Déclarant qu’il ne dirait rien sur sa vie privée, mais très heureux de figurer dans la salle d’attente des médecins. C’est aussi dans la presse “trash” que J.L. Mélenchon compte diffuser ses idées. Comme O. Besancenot qui promut sa trombine et accessoirement ses projets dans une insipide émission du dimanche. La gauche de gauche fait (aussi) sa révolution autour des paillettes.
Le pulsionnel fait vendre. J.L. Mélenchon trop malin ne peut l’ignorer. Il souhaite achalander ses victuailles (la “révolution par les urnes”) sur le même étal que les confessions de bagatelles et le galbe libidinal de J.Aniston… Un vaste programme. Donc.

L’issue incertaine du combat des retraites

“C’est la théorie de l’incertitude” harangue-t-il consterné quand il décrit la manière dont se profile la négociation sur les retraites. Les analogies scientifiques pour assoir un argumentaire dans le champ social correspondent au “moment” pour J.L. Mélenchon. Personne n’a lu l’intégralité du rapport du conseil d’orientation des retraites (COR) mais tout le monde claironne les conclusions inévitables. En somme, travailler plus longtemps et moins cher.
Les articles parus dans Le Monde sont bâtis sur des dépêches AFP. Des fragments de rapport distillés pour susciter l’effroi. En effet, selon les éléments parcellaires mis au jour, la somme astronomique de 2 600 milliards s’avère nécessaire pour pérenniser les retraites à l’horizon 2050. Tétaniser l’opinion, le résoudre aux solutions gouvernementales sur ce sujet crucial. Cette somme est un cumul brut des fonds pour faire fonctionner le système. Un chiffre isolé, débarrassé de sa compensation en recettes. Efficace pour faire trembler les foules. Peu pertinent pour raisonner sainement. Pour J.L. Mélenchon les projections sont farfelues. Il fulmine à propos d’experts incapables de prévoir l’avenir à 6 mois, et qui spéculent sur les 40 prochaines années. Par analogie il se réfère à W.Heisenberg qui avait énoncé l' »incertitude » (ou l’“indétermination”) comme l’incapacité de localiser précisément une particule. Une impossibilité due à la présence de l’observateur. La prédiction devenant probabiliste. En l’occurrence des observateurs (partiaux), les politiques et les experts utilisant des instruments de mesure, les rapports d’experts (souvent les mêmes), influant sur les résultats de la mesure par leur simple présence, l’allongement de la durée du travail.
J. Bouveresse dans son ouvrage “Prodiges et vertiges de l’analogie” décrivit cette tendance abusive et post-moderne qui consiste à intégrer des raisonnements mathématiques et physiques dans des approches sociologiques, donnant l’apparence trompeuse de scientificité. J.L. Mélenchon (par facilité ?) s’y engouffre.

L’Eurodéputé est un corps particulier de la nébuleuse médiatique. Il se meut dans cet espace par attraction/répulsion. Il pense opérer une révolution dans cette sphère en frappant tous les éléments du système. Il ne peut pourtant sortir son orbite, préférant profiter de sa capacité d’entrisme. S’infiltrer, le saper pour l’effondrer sur lui-même. Dans la soupe primaire que sont devenus les médias mainstream, ces astres sombres qui magnétisent toujours l’attention, le big-bang est lointain. Et J.L. Mélenchon ne sera surement pas le détonateur. Juste un atome chargé, observant l’entropie d’une machine (avec) qui (il) tourne à vide.

Vidéo sur les retraites :

A suivre la suite de l’entretien….

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Vogelsong – 15 avril 2010 – Paris

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6 réflexions sur “N. Chomsky, W. Heisenberg, J.L. Mélenchon et J. Aniston

  1. Le monde au centre-droit c’est un peu à l’emporte-piéce comme jugement…Le Monde, Charlie Hebdo,Libération etc…il ne va plus te rester que le Plan B et CQFD à lire, Vogelsong.

    Pour ce qui est du choix de Mélenchon de faire de la presse trash, il a raison, c’est aussi dans ces coins là, lu par des gens qui ne lisent guère le monde diplo qu’il faut aller présenter des idées, convaincre.

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  2. « Et J.L. Mélenchon ne sera surement pas le détonateur. Juste un atome chargé, observant l’entropie d’une machine (avec) qui (il) tourne à vide. »

    J’ai du mal à comprendre votre raisonnement. Parce qu’il critique les médias, il ne devrait plus y aller ? Alors quoi, se faire ermite dans une ile déserte ?
    Mélenchon n’a guère la choix , s’il veut se faire entendre, que de passer dans les médias. S’autoriser à les critiquer en même temps est un exercice délicat, qu’il réussit plutôt bien.
    Ne demandez pas à Mélenchon ce qu’il peut faire pour révolutionner les médias du pays, mais demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour l’y aider…

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    • Je ne raisonne pas. Je décris humblement.

      « Ne demandez pas à Mélenchon ce qu’il peut faire pour révolutionner les médias du pays, mais demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour l’y aider… »
      ET humblement aussi, je vous invite à lire les billets de ce blog consacrés aux Médias….

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  3. La soi-disant réforme des retraites va donner deux aubaines au gouvernement, c’est à dire au président de la république :
    Une diversion et un moyen de baisser artificiellement le déficit public.
    C’est pourquoi, d’ailleurs, il y aura réforme dans le sens de ce qu’Éric Wœrth a déjà bouclé, à part la signature des
    partenaires sociaux.

    Un – le Rêve, provoquer l’opposition, la pousser au vent-debout contre l’altération de la condition de retraité avec défilé et grèves à
    gogo des fonctionnaires.
    Une occasion de montrer la fermeté musculaire des conservateurs tous réunis autour du chef de l’état.
    Le pari n’est pas si osé qu’on pourrait le croire, il y a une foultitude de cons à gauche !

    De toute façon, il faut une combine pour faire baisser la ligne comptable des déficits cumulés de l’état français.
    Pendant la brève période où le président actuel était ministre de l’économie, presque 6 mois d’affilée, un technocrate
    a trouvé une incroyable astuce :
    En bouclant la réorganisation du régime de retraite des industries électriques et gazières, 15.000.000.000 € ont été
    provisionné et ont fait l’objet d’une recette des comptes de l’État pour compenser au régime général le service des pensions
    des retraités de ces industries plus couteux que ceux des retraités du privé.
    Pure artifice d’écriture, car cette somme, comptabilisée une seule fois globalement, sera en réalité versée sur 20 ans.
    L’économie, c’est affaire de fiction … comptable.
    Le président a pris gout, sans doute, à ce genre de gaminerie des financiers.
    On parie ?

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