Affaire DSK : Faillite médiatique, pain bénit pour le FN

“Ils (les dirigeants du PS) pensent à l’homme, je pense à la femme” (auditeur consterné) M. Le Pen, le 15 mai 2011, un jour après l’arrestation de DSK, sur France Inter…

La déflagration Strauss-Kahnienne, selon un responsable de la chaîne d’information I-Télé produit des “images plus concernantes (sic) que le drame japonais”. L’audimat explose. La même frénésie informative s’observe pour la presse papier et internet. Or la défiance envers la profession journalistique n’a jamais été aussi forte (à différents degrés selon le support). Étrange et dangereux paradoxe. Une forte audience rivée sur les médias en pleine capilotade offre une fenêtre de tir inouïe à l’opportunisme frontiste.

Le traitement de l’affaire Strauss-Kahn surprend aussi par l’accélération du processus : lèche, lâche, lynche. Preuve que les médias accélèrent, le passage direct de la lèche au lynche aura pris deux jours. Du déni de la réalité au déballage de ce que “tout le monde savait” ou semblait savoir. Shuntant l’éprouvante phase de lâchage, donc de remise en question douloureuse du microcosme. Cela pourrait sembler anodin, puisque que circonscrit aux turpitudes microsphériques du “monde”, sauf que pendant ce temps la campagne électorale, dans sa version spectacle de politique marketisée bat son plein. Et les opportunistes rodent.

Une séquence ténue où tous auront failli sauf le Front National de M. Le Pen. Le Parti socialiste en dessous de tout, laissant comme à chaque moment de tension apparaître ses fractures, s’égare soit dans des déclarations lénifiantes sur “l’homme”, “la présomption d’innocence”, soit dans un délire profond comme J. Lang qui déclare “qu’il n’y a pas mort d’homme”, ou H. Désir qui demande à N. Sarkozy d’intervenir auprès de B. Obama en faveur de D. Strauss-Kahn. Une déroute où seule S. Royal semble garder une forme de tenue. De façon globale, le premier jour, la médiasphère a pensé comme le PS. Dans le déni symptomatique d’une caste dirigeante. Comme une “preuve” des accointances journalistico-politiques.

Pain béni pour M. Le Pen qui dimanche 15, soit un jour après l’arrestation, commençait (bien en avance) sa phase de lynchage, mêlant les journalistes et le petit milieu parisien. Tout ceci n’aurait pas eu d’importance si elle se fourvoyait. Si deux jours plus tard tous, à l’exception du birbe J. F. Kahn ou de l’histrion B. H. Levy restés encrottés dans le déni, ralliaient le camp du lynchage. Celui de M. Le Pen.

Le dimanche 15, lors de l’émission Dimanche Soir Politique sur France Inter, la leader frontiste déclarera : “Les faits qui lui sont reprochés ont d’autant plus d’écho que M. D. Strauss-Kahn a, il faut le dire, dans les milieux politique et journalistique, la réputation d’avoir de manière récurrente développé des comportements déplacés à l’égard de la gent féminine […]. Les diners en ville, les discussions entre journalistes bruissent de ce que certains appellent une fragilité, d’autres une pathologie, de ces comportements récurrents et déplacés”. H. Jouan directrice de l’information sur France Inter rétorquera : “Il n’est pas question d’apporter un témoignage personnel, on peut dire que DSK est un séducteur […], il s’agit là de quelque chose de différent […] Pardon de dire à Madame Le Pen que dans les diners en ville, je n’ai jamais entendu parler de ça”.

H. Jouan occupe le poste de directrice de l’information de la plus grande radio publique. Compte tenu des révélations qui suivront le lendemain et surlendemain, sur T. Banon ou A. Filippetti, soit la journaliste est incompétente, soit elle n’est pas invitée aux diners qui comptent, soit elle mystifie.

Pourtant, le petit milieu journalistique friand de toutes les bassesses se délecte de ces aventures. Cela fait même partie de la panoplie du parfait “insider”, de celui qui sait, qui connaît les secrets d’alcôves, le distinguant du menu fretin de la profession. Menu fretin dont ne devrait pas faire partie la directrice de l’information d’une grande chaîne.

En donnant encore l’impression que le Front National révèle les connivences, la médiasphère nourrit le “tous pourris” qu’elle abhorre tant. Qu’elle se plait à dénigrer dans la bouche de J. L. Mélenchon par exemple. Elle prête le flanc à toutes les supputations sur les liens et les intérêts entre les puissants et les “dealers de bobards”. Posture parfaite pour le Front National qui glisse sur du velours, dans le rôle du clarificateur.

Pour démonter la mécanique démagogique et “populiste”, encore faut-il un minimum de probité et ne pas se rallier à ces mêmes populistes et démagogues avec quelques jours de retard. Simple question de crédibilité.

Vogelsong – 20 mai 2011 – Paris

10 réflexions sur “Affaire DSK : Faillite médiatique, pain bénit pour le FN

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  2. Ouaip, je sais pas si cela profitera tant que ça au FN où l’on n’a pas attendu le coup d’étage à Manhattan pour vitupérer sur la presse et Strauss-Khan. La protection de la vie privée signifie encore quelque chose ici. Je préfère encore une presse où il n y a un minimum de tenue par rapport à ça (tant qu’il n’y a pas de délit étayé), qu’une tabloïdisation générale (on vient de faire un grand bond en avant là quand même). D’autant que chaque matin depuis des mois plusieurs humoristes, Guillon puis Canteloup sur Europe1 (qui faisait encore un sketch la veille de la breaking news, évoquaient très clairement la chose.

    En revanche, le fric déboursé pour une libération provisoire fera bien plus mal en terme d’image (à côté La Panamera, c’est de l’argent de poche).

    Mais je m’en fous, dans la confusion moi je prends la tête du FMI et ça c’est chic !

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  3. Pain bénit pour le FN ?????
    Vous n’avez pas l’air de savoir que contrairement à DSK qui n’a encore jamais été condamné, Madame Le Pen est une repris de justice depuis janvier 2011.
    Et elle n’a pas l’air de se plaindre que les journalistes « qui savent » ne lui ont pas fait de publicité sur sa condamnation définitive…..

    jf.

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  4. Très bonne analyse du mélodrame qui se joue. Avec plus de mélo que de drame.
    « S. Royal semble garder une forme de tenue ».
    Heureusement qu’elle est là pour relever le niveau, qui est au ras des paquerettes. La fille du borgne n’a même pas besoin d’ouvrir la bouche. Les mots dits par les maudits lui deroulent le tapis rouge, non le tapis brun. Nous sommes dans la panade, si ça continue comme ça, pas besoin de se déplacer pour aller voter. Sarko + MLP, c’est plus de 50% assurés.

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  5. Tout ça, ça nous montre bien comment se jouent les élections en France : ce sont les journalistes qui font la pluie et le beau temps ! Je prends en exemple cette primaire socialiste. Durant des mois, DSK a été porté aux nues mais, depuis quelques semaines, on sentait que certains médias mettaient de plus en plus en avant HOLLANDE (« c’est parce qu’il monte dans les sondages ! ». Il ne monterait pas dans les sondages si on lui faisait pas 36 couv’ par semaine). Et puis, DSK étant « out », on passe tout doucement à Martine AUBRY. Je vous parie qu’elle sera la nouvelle championne proclamée des journalistes d’ici peu ! En attendant, Arnaud MONTEBOURG qui présente des choses assez intéressantes (de mon point de vue) n’est présent que dans « Chasse Magazine » ou « La lettre ardéchoise » (si ça se trouve, c’est vrai ! ). Aujourd’hui, la politique ne se fait plus sur le terrain mais dans les instituts de sondage et les rédactions !

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