EDF électrise ses tarifs pour financer son business

L’affaire fait sourire. Le président de la S.A.EDF, « entreprise préférée des Français », veut augmenter les tarifs de 30 à 40%. La ministre de l’Économie C.Lagarde qui défie encore les lois de la méritocratie s’épanche, molle et contradictoire. Pourtant, les joutes omettent les problématiques principales, celles des services publics et de l’abandon des objectifs fondamentaux.

imagesPour Bruxelles, tout doit passer sous la toise libérale. Avec l’assentiment plus ou moins vibrant des gouvernements. Pour faire passer la pilule, les ministres de l’Économie rivalisent en dithyrambes sur « le nouvel essor » que prendra l’entreprise « grâce à sa réactivité dans le contexte international« . Depuis peu, on y adjoint une pincée d’écologie en évoquant les « défis de demain« . Un « wording » énergiquement distillé dont l’unique objectif consiste à transposer les directives d’inspiration libérale de l’Union européenne. L’axiome classique gravé dans le marbre stipule que les secteurs libéralisés, par la magie du marché, fonctionnent mieux. Les prix sous les effets de la concurrence s’orientent à la baisse et les acteurs économiques rivalisent d’innovation et de créativité, au bénéfice des consommateurs. Quand P.Gadonneix déclare qu’il va largement augmenter les tarifs pour réaliser de nouveaux investissements, la plupart des commentateurs prennent leurs airs courroucés. Paresse intellectuelle ou naïveté pour certains, cynisme libéral pour la plupart. Mais le scénario aurait-il pu être différent ? Le président d’EDF évoque une inadéquation des tarifs (trop bas) pratiqués en France. Ce businessman n’a pas compris que c’était justement pour cela que cette entreprise était appréciée. Un service performant et des tarifs démocratiques.

Les dirigeants d’EDF ont fait « main basse » sur un fleuron des services publics en France. Issu des projets du CNR, il confère au secteur-clef de l’énergie un rôle crucial dans la cohésion nationale. Pour que chaque citoyen puisse avoir un accès à l’électricité à un tarif unique et raisonnable. Un passé révolu.

EDF est aujourd’hui une entreprise boursière dont l’objectif n’est plus la satisfaction des citoyens. On pourra arguer que l’État détient encore 84% des actions. Après trente ans de dérégulation dont les dix dernières à grande vitesse, cet état est-il encore garant du bien public ?

Le moteur du groupe est aujourd’hui l’expansion internationale, le rachat de concurrents, la performance financière. L’entreprise est présente dans 19 pays, du Viêt-nam à la Côte D’Ivoire. Elle fait une OPA sur British Energy pour 15 milliards.

Cynique, et surfant sur la bonne image du groupe, P.Gadonneix parvient à lever plus de 3,2 milliards d’euros. Une réputation détournée, fondée sur le passé d’une illustre société nationale. C’est une fois l’emprunt bouclé qu’intervient l’annonce tarifaire. De l’image nationale, EDF n’en a désormais cure. Le statut de transnationale presque acquis, l’essentiel de son chiffre d’affaires se situe potentiellement hors des frontières nationales.

La libéralisation des services préconisée par l’OMC, diligentée par l’Union européenne ne profite pas aux citoyens. Le gaz, les trains, la poste, l’eau sont des exemples in vivo qui aboutissent inéluctablement à une inflation des coûts, une hypertrophie des projets, une explosion des tarifs.

B.Hamon feint l’incompréhension évoquant « l’hypocrisie« , J.M.Ayrault parle d’investissements structurels nécessaires. Ils en oublient l’essence du débat, celui du bien public, du progrès pour tous. Revenir à l’essentiel, l’électricité pour tous à un prix égal et démocratique. Dans ce dossier épineux, l’opposition fantoche qui a bien accompagné la libéralisation des services se trouve bien démunie pour peser sur le débat. Alors comme d’habitude, elle larmoie faussement.

Vogelsong – Port-Man – 10 juillet 2009

16 réflexions sur “EDF électrise ses tarifs pour financer son business

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  2. De toute façon, une participation majoritaire (et même une propriété exclusive) de l’Etat ne suffit pas à faire un service public… Juste une entreprise à capitaux mixtes. La nuance et de taille. Quand la gauche a nationalisé les banques en 1981, elle ne leur a pas assimilé de mission spécifique qui les aurait distingué de banque privée. De même, la nationalisation de Renault après la guerre n’a pas entraîné d’obligation particulière de service public pour cette entreprise.

    A l’inverse, la Poste peut bien rester à 100% publique (je n’y crois pas une seconde, mais faisons comme si). L’essentiel est l’évolution qu’elle a suivi: administration publique jusqu’en 1991, établissement public à caractère industriel et commercial (ce qui lui a permis d’arrêter le recrutement de fonctionnaires au profits de salariés précaires, et d’aller chercher des cadres aussi incompétents que surpayés dans le privés)jusqu’à aujourd’hui, et transformation en SA sous peu. A chaque structure correspond une intégration accrue aux règles capitalistes. La transformation en SA permettra notamment de se livrer à des fusions, OPA et autres joyeusetés. Une urgence absolue pour le service public…

    Sinon, l’exemple d’Edf, la Poste et tous les services publics qui ont précédé montre l’imposture de la vulgate libérale qui prétend que la concurrence fait baisser les prix. Non, la concurrence amène une explosion des dépenses de consommation, la nécessité de dégager des dividendes pour les actionnaires, la nécessité de construire des réseaux en double ou en triple (cf les opérateurs internet). La concurrence, c’est le gaspillage.

    Pour paraphraser une ancienne pub, le service public, y’a moins bien, mais c’est plus cher…

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  3. Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de recopier ce passage piqué sur le blog de Méluche sur les profits réalisés par les anciennes entreprises publiques:

    Quelques exemples de profits annuels d’ex entreprises publiques :

    GDF Suez 6,5 milliards de profits 2008 (privatisé par Sarkozy en 2007)

    France Télécom 4 milliards de profits 2008 (privatisation lancée par DSK en 1998 et achevée par les gouvernements Raffarin et Villepin)

    Total 10,4 milliards de profits 2008 (privatisation débutée en 1986 et achevée en 1993-1995 par Balladur-Sarkozy)

    Et même la BNP (privatisée en 1993 par Balladur-Sarkozy) 3 milliards de profits 2008.

    Comme quoi, la hausse des tarifs n’est pas perdue pour tout le monde…

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    • oui, mais a quel prix pour les salaries…et les usagers ? oups ! pardon, gros mot, on dit « clients »… qd il s’agit de payer plus pour moins (de service)
      dans une autre vie, je serai actionnaire…Kapitalisssste

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  4. Bon, c’est 20%, mais tout de même…
    Est-ce que quelsqu’un s’est amusé à constater que les 3.1 Mds d’€ récoltés et remboursables en 2014 intérêtes et capital, seront déjà payés par le pékin de base dès la mi 2011 ?
    (et les sophismes comptables sur la façon de compter les emprunts et les augmentations de CA dans les bilans n’y changent rien hélas: nous allons casquer pour donner de la thune à ceux qui ont déjà tout…)

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  5. @b.mode
    Le problème c’est le & co. Où on retrouve beaucoup de dignitaires PS.

    @Etiam Rides
    Tes interventions sont plus pertinentes que mes billets c’est rageant :)
    Merci de passer par ici.

    @Le goût des autres
    Bien sûr j’ai entendu 20% à la radio. Pudeur, je pense.
    Le JDD Libération parle de 30 à 40% en reprenant le discours de l’électricien en chef déclarant que les tarifs français étaient de 30 à 40% moins cher qu’ailleurs.
    Le JDD Libération n’est pas pudique, en particulier avec ce type de lourdeurs.

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  6. Bon, je ne suis pas le genre à semer la zizanie ou chercher des histoires, mais à ta place, je rendrais Etiam Rides tricard sur mon blog.
    Ou mieux et plus efficace: tu piques ses commentaires, tu les effaces et tu les réédites sous forme de billet.
    Moi, je dis ça, je ne dis rien…

    Faut toujours oeuvre pour la paix sur le Net…

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  7. Est-ce qu’il est normal que le dimanche quand Madame Obama veut avec ses filles visiter les magasins parisiens, je dois (sic) passer un coup de téléphone pour les faire ouvrir ?

    Cette déclaration de Nicolas Sarkozy mérite que tu te prononces, toi aussi, sur le thème si délicieusement polémique : « Est-ce qu’il est normal… »

    HumaniDem : Le blog politique de BGR
    http://www.humanidem.fr/2009/07/15/est-ce-qu-il-est-normal/

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    • Désolé d’avoir pollué ton article par cet appel hors sujet.
      C’était juste un tag…

      Sur nos biens collectifs comme l’eau, le gaz et l’électricité, mais aussi le réseau ferroviaire ou autoroutier, je partage largement ton avis. Sans doute suffisait-il de regarder du coté de la Californie ou de la Grande-Bretagne pour se convaincre de la mauvaise direction qui était prise.

      Quelle est la situation aujourd’hui en Californie ?

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