J.L. Mélenchon sur tous les fronts médiatiques

J.L. Mélenchon n’a pas fini de s’en prendre au système médiatique, surtout lorsqu’on le prend à brûle-pourpoint. Cette fois, c’est au tour d’un étudiant en sciences politiques d’essuyer les amabilités d’usage du tribun de la gauche de la gauche. Qu’on se le dise : « quand on vient voir [J.L.Mélenchon], il vaut mieux être prêt et avoir bossé »… Manifestement, l’élève journaliste ignorait le contexte antérieur et avait dans l’idée qu’il lui était possible, avec ce qu’il faut de « provoc’ », de titiller le leader du Front de gauche. Mais l’expérience a vite tourné court, au grand dam de l’apprenti reporter. Au-delà de l’altercation, la fureur et l’indignation du fondateur du Parti de Gauche sont bien réelles : elles traduisent la fracture profonde qui se creuse entre le parler-vrai du tribun du Front de Gauche et la langue de bois trop souvent en vigueur dans la sphère médiatique.

Stratégie médiatique

Qui s’y frotte s’y pique : à l’instar de la stratégie mitterrandienne de 1974 à l’égard de l’ORTF, J.L Mélenchon…(suite de cette partie sur le blog de Reversus)

Réflexes corporatistes

Les réactions ne se sont pas fait attendre. La profession (presque) à l’unisson crie au scandale. Car la bienséance est de rigueur quand on côtoie un journaliste, de quelque niveau que soit le gratte-papier en question. Entre gargarismes et plaisanteries graveleuses, la twittosphère se gausse des écarts de langage du tribun du peuple. Les émissions télévisées repassent en boucle la séquence, prenant bien soin de la tronquer comme pour mieux formater le message. Pour paraphraser Baudelaire, qu’importe le contexte pourvu qu’on ait l’ivresse d’un lynchage en règle…

Pour résumer : dans cette interview, J.L.Mélenchon rudoie un élève scribouillard qu’il aurait peut-être pu gentiment reprendre, lui expliquant au passage son futur (ou supposé) métier. Seulement voilà, ce n’est pas là son rôle. Et c’est toujours avec un certain effarement que l’on observe la presse s’ébattre lorsqu’elle s’effarouche d’une brusquerie commise envers l’un des leurs, alors qu’elle-même abreuve à dessein et sans états d’âme les pages et les écrans de la barbarie banalisée (cf. Libération et les images trash des attentats de Moscou, etc…).

Là où le bât blesse, c’est que lorsqu’on porte un projet politique, on ne peut pas rompre entièrement avec les médias. Risquer la mise au pilori, dans l’état actuel de la citoyenneté, c’est à terme signer une hypothèque sur sa disparition. D’autant plus qu’on finit souvent par fait cavalier seul, V. Peillon l’a expérimenté à ses dépens (l’appareil socialiste, beaucoup trop dépendant de son exposition médiatique, n’avait pas soutenu le député lors de ses déboires avec A. Chabot). Mais dans sa croisade médiatique, J.L Mélenchon a trouvé dans le web un allié unique et indispensable pour contourner les vieux médias croulants. Débrouillard, il a rapidement transformé son blog en une plateforme lui permettant de véhiculer son message, de fédérer ses troupes et de se frayer un accès direct vers le citoyen. Sur son fief numérique, sa plume se ballade au gré des rencontres, laissant transparaitre un humanisme, certes radical, à celui qui se donne la peine de le relever. J.L Mélenchon se laisse aller à des digressions et à des confessions, il bat le tempo, et personne ne voudrait tronquer son propos, ni le cantonner à un rôle de polémiste dont on l’a trop souvent affublé… Concernant cette récente (et passagère) polémique, ce que personne n’en retiendra (comme toujours peut-être), c’est le sérieux et le respect que J.L. Mélenchon a malgré tout porté à sa victime. Celle-ci n’a pas à expier pas les fautes de ses aînés : au contraire, elle a eu là l’occasion de constater, peut être pour la première et dernière fois de sa carrière, ce qu’il en coûte de dire n’importe quoi. En d’autres lieux, une telle interview se serait conclue par des sourires et des accolades paternalistes entre le vieux briscard et le reporter en devenir : aurait-ce été une solution préférable ?

Tenir en respect le jeune journaliste impertinent est une seconde nature pour tout politicien digne de ce nom. Pour une fois dans sa carrière, F. Briaud aura au moins connu la piqûre froide qu’appelle le manque de pertinence, que les marionnettes des grands médias s’autorisent beaucoup trop régulièrement. Vérité glaciale de ses propres lacunes mises aux quatre vents par un interlocuteur sans concession, ce qu’on a pu appeler « cruauté » est dans ce cas de figure la marque d’une certaine humanité, celle de l’homme qui respecte assez son interlocuteur pour lui interdire la stupidité.

Reversus & Vogelsong – 31 mars 2010 – Paris

Mélenchon et les Médias

20 réflexions sur “J.L. Mélenchon sur tous les fronts médiatiques

  1. Le problème c’est que, même sur le fond du problème, Mélenchon a plutôt tord: quand il dit que la réouverture des maisons close ce n’est pas un sujet. Pourquoi? Ça il ne nous le dit pas! C’est un peu ce que j’explique dans mon billet.

    Avec Mélenchon, on peut parler de tout à condition d’être de son avis.

    J’aime

    • Mais non. Le sujet de l’interview est le maquillage pas les médias de la défaite électorale par des sujets sociétaux.

      L’apprenti journaliste zappe pour exploiter le filon des maisons closes. Hors sujet.

      J’aime

    • TU as surement raison Olivier.

      Je crois que pour J.L. Mélenchon il s’agit d’une stratégie générale. Frapper à tous les niveaux. Et ils le lui rendent bien. :)

      J’aime

      • Le billet où il s’explique, sur son blog, m’a par contre hautement intéressé, ce qui accrédite ta thèse de stratégie globale anti-médias – tels qu’ils fonctionnent aujourd’hui. Et en cela, nous sommes d’accord, il a entièrement raison !

        J’aime

  2. Le respect ? Tu te laisses emporter là !
    Il a été insultant, hystérique et grossier.
    et dieu sait si pourtant j’apprécie le bonhomme et certaines de ses positions.
    je suis totalement d’accord avec ce qu’il dit (même s’il ne perçois pas que la prostitution n’est pas qu’un sujet racoleur) mais la forme est agressive. Beaucoup trop.

    J’aime

    • Je pense que tu es juste « chagrinée » par le sujet de la prostitution que J.L. élenchon dépeint en graveleux et voyeuriste. Opportunisme.

      Sur le fond, il a mérité sa petite fessée…

      J’aime

  3. Le fond de « l’affaire », c’est pas l’énervement de Mélenchon -même si certains sont là pour souligner que c’est » pas bien  » de s’énerver – mais un certain journalisme qui d’ailleurs ,fait du buzz avec cette vidéo pour contrer un adversaire de ce système
    médiatique : on attend les réactions outrées de Duhamel ou Apathie .

    J’aime

  4. Jean-Luc Mélenchon a raison de dénoncer les travers de nombreux médias. La presse écrite n’est pas en reste. Ni les médias sur internet. La facilité, l’esprit de complaisance et l’intérêt bien compris des annonceurs se sont infiltrés à tous les étages de la profession : les quelques journalistes qui continuent à se battre pour bien faire leur boulot n’en sont que plus respectables. Mais cela devient quasiment introuvable à la télé et bien trop rare dans les journaux ou à la radio.
    Mais est-ce nouveau ? La quasi censure que J. Luc Mélenchon subit aujourd’hui de la part des grands médias (France 2, France 3) est dans la droite ligne du sort réservé aux tenants du NON de gauche lors du référendum en 2005.
    Espérons que vienne le temps ou J. Luc Mélenchon ou des politiques de sa fibre soient en situation de devoir être un peu plus rond dans la forme…

    J’aime

  5. Pingback: J.L Mélenchon sur tous les fronts médiatiques | Reversus

  6. il a effectivement montré un profond respect en restant si longtemps. petite cervelle… ah ce corporatisme jusqu’au boutisme prêt à tout, y compris défendre ses brebis galeuses tant que ça met en odeur de sainteté.

    quant au « fond du problème » (du point de vue de certains, qui, le bec dans le sable n’arrivent pas à voir que c’est une question sans grande importance à côté de ce que cette séquence et son contexte révèle), il est vite réglé : les prostituées elle-même sont pour la suppression des maisons closes dans les pays où elles ont été restaurées (la violence principale venant du client lui-même – souhait de ne pas mettre de préservatif, coups, …-; si violence physique du client il y a, la rue donne plus de chances d’avoir de l’aide qu’une maison close où la seule personne qui vous entend est le proxénète qui n’ira jamais virer son client qui lui ramène de l’argent ; les maisons closes ont servi à blanchir de l’argent et la situation s’est profondément dégradée au Pays-bas, etc. etc. etc. vous en voulez encore beaucoup des exemples comme cela?). le fond du problème est bien cette presse qui crée « l’opinion » et les « sujets d’actualité » au lieu de traiter de la société et de ses problèmes.

    pour finir, ce « journaliste » n’en est pas (encore) un à mon sens, il sort largement de son rôle, de par ses questions, sa prétention moralisatrice (cf ses réponses sur le net), son rôle de plus que probable militant politique, ses libertés avec la déontologie (voir la note de Jean-Luc Mélenchon sur son blog). j’espère qu’il aura un jour l’occasion de faire du vrai journalisme politique, pas du papier qui se vend, peu importe son bord politique (et au moins les choses seront claires, ses interviews ne s’identifieront pas à un risque de traquenard pour ceux qui y seront confrontés).

    J’aime

  7. Pingback: Expat-Prague: blog politique d’un expat ! » Blog Archive » [VIDEO] Nicolas Sarkozy et Barack Obama sont potes… et se tutoient

  8. On en a marre des journalistes qui parlent du hot-dog de Sarkozy avec Obama alors qu’on connait tous des gens malades au travail, des radiés du Pôle emploi, des expulsés de chez eux à cause de loyers qui ont explosé !!! Et après étonnez-vous que la presse d’info se porte mal ! (L’huma le fait mais est trop connoté coco ca fait fuir)

    Bravo Mélenchon ! Pour ceux qui veulent aller plus loin, une enquête dans une école de journalistes démontre qu’il a 100% raison.
    Par contre il est maladroit de dire que la prostitution est un sujet mineur.

    le lien vers un résumé du Livre « Les petits soldats du journalisme », instructif :http://www.acrimed.org/article935.html

    J’aime

  9. @ Eric
    « Avec Mélenchon, on peut parler de tout à condition d’être de son avis. »

    C’est un peu ce qui ressortait de son entretien avec quelques blogueurs il y a 2 mois
    http://www.intox2007.info/index.php?post/2010/02/04/son-interview-Melenchon#c20432

    D’autre part Mélenchon il y a 1 mois avait lui-même participé à faire prospérer un « buzz » (de claire désinformation celui-là, comme on a pu s’en rendre compte depuis, et dont était victime Peillon – à se demander si Mélenchon n’était pas énervé que Peillon lui « pique » son terrain de pourfendeur des médias corrompus) : il y a dans le « buzz » actuel quelque chose comme un « retour de bâton »
    http://antennerelais.canalblog.com/archives/2010/03/31/17428210.html

    @ Reversus & Vogelsong
    « le sérieux et le respect que J.L. Mélenchon a malgré tout porté à sa victime »

    C’est de l’humour sans doute… ça c’est quand même plus conforme avec la réalité de la vidéo :
    « Il a été insultant, hystérique et grossier. » (valerie)
    D’autre part j’ai pas aimé sa façon de dire « les putes »

    J’aime

  10. Bravo 1000 fois à Mélenchon. L’Ardissonnage télévisuel n’a que trop duré … ce n’est pas à tous ces faux journalistes qui cherchent le scoop de s’imaginer qu’ils impressionnent quiconque à vouloir imposer leur ordre du jour.

    Moi j’aurais répondu à ce petit con « Excusez-moi, mais votre soeur, vous lui avez demandé si elle préfèrerait la rue ou la maison close ».

    J’aime

  11. Pingback: N. Chomsky, W. Heisenberg, J.L. Mélenchon et J. Aniston « Piratage(s)

Laisser un commentaire