Le chantage au populisme

Est-ce que vous vous rendez compte du mal que vous faites à la démocratie…” F. Baroin s’adressant au groupe socialiste le 6 juillet 2010 à l’Assemblée nationale
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Petit surdoué de la chiraquie, F. Baroin s’est vautré comme seuls les convertis peuvent le faire. Il a enfilé les oripeaux des coupeurs de gorges que l’homme de Neuilly a imposés à la République. Des hommes sans scrupules, maniant les éléments de langage comme des faux, moissonnant la démocratie. En l’occurrence F. Baroin, en pleine tourmente sur l’affaire Woerth/Bettencourt, légataires d’une droite républicaine n’a pas pu se contenir. Pour endiguer la marée qui emporte le gouvernement Fillon, il peste sur le Parti socialiste et le net qui, par des allégations feraient le jeu du Front national, et attenteraient à la crédibilité de la politique. Ce ne sont pas des arguments de première fraîcheur, mais trois années après la mise en place des politiques sécuritaires et des mesures économiques inefficaces de N. Sarkozy, on croit simplement rêver.
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Le Front national, l’arme facile
Pourtant intouchable, le nom de N. Sarkozy est prononcé dans une affaire de financement politique en marge du dossier Woerth/Bettencourt. Pour faire front, la droite érige une stratégie d’endiguement en vue de sauver l’essentiel. Le Président. Le chef, l’élément clef du dispositif en terre droitière, sans lequel la structure implose. S’effondre. Où tous les éléments, ces petits atomes égotiques bouffis d’ambition se répandent dans le chaos politique et compromettent les victoires futures. Faute de réponses claires sur les affaires secouant le pouvoir, l’UMP s’en remet au chantage démocratique en brandissant la menace populiste de l’extrême droite. Une fable ancienne, simpliste, facile à retenir pour le député servile ou le débatteur du dimanche. Mais l’émergence du parti frontiste puise sa source dans des éléments plus disparates. Le fait saillant remonte à l’élection de Dreux où se produit une alliance droite/extrême droite, en 1983, péripétie qu’au RPR on qualifiera d’étourderie. Mais plus en amont c’est l’arrivée de la gauche en 1981, un traumatisme violent, une panique idéologique qui pousse les conservateurs dans leurs derniers retranchements. C’est-à-dire une radicalisation du discours. Une évocation des peurs, la dramatisation dans les médias de la menace gauchiste dans toute sa caricature. On attendait les chars russes à Paris, et les soviets qui violeraient les filles de France. Mais bien plus que cela, l’ancrage du parti xénophobe provient de l’impossibilité des pouvoirs politiques (de quelque bord que ce soit) à résoudre les problèmes économiques  des Français. D’instrumentalisation il n’y a pas. Juste la résultante et la mise face à leurs responsabilités des deux grands partis.
Les travaux sociologiques repris par le collectif “Les mots sont importants” montrent par exemple que dans les zones populaires, le vote frontiste est majoritairement dû à une radicalisation de l’électorat de droite couplée à l’abstention de l’électorat de gauche. Et non pas comme se plaisent à raconter les editocrates et politiciens à deux sous, le basculement de l’électorat d’extrême gauche vers les franges xénophobes de la droite. La thèse s’avère tellement plus facile et élégante.
Mais F. Baroin néo sarkozyste garde la ligne, pérorant “est-ce que vous vous rendez compte que vous tracez le sillon des extrêmes”.
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L’UMP et l’amnésie permanente
F. Baroin s’est perdu au milieu d’une meute de loups sans scrupules. Il reprend la dialectique  de comptoir d’un F. Lefevbre ou de C. Estrosi pour garder en vie un gouvernement. Le gentil ministre du Budget n’a peut être pas encore réalisé qu’il appartient à un gouvernement qui a constitué un ministère de l’immigration et et de l’identité nationale, qui a imposé des quotas d’expulsion d’étrangers, et dont les ministres n’hésitent pas en marge d’un meeting à stigmatiser des minorités ethniques dans quelques gauloiseries bien senties. Un entremetteur de débats sur l’identité nationale au coeur de la crise économique. Le résident de Bercy semble aussi oublier que N. Sarkozy a bâti son accession au pouvoir sur des thématiques proches de celles du Front national. Et ce n’est pas une idée nouvelle, depuis une décennie il court vers un électorat de droite qui l’a lâché, déclarant en 1998 par exemple : “Dans le discours des dirigeants du FN, tout n’est pas inacceptable. Mais la partie inacceptable pollue tout le reste du programme” pour finir en Karcherisation des cités en 2005. C’est avec un bel aplomb en 2010 que C. Goasguen, P. Devedjian ou C.Estrosi en appellent aux valeurs républicaines et au sauvetage de la démocratie. Une démocratie que le Parti socialiste, dit-on, coutumier du fait depuis 30 ans serait en passe de livrer aux barbares d’extrême droite.
Mais F. Baroin et ses nouveaux amis ont même trouvé une autre cible pour étayer les dérives vers le populisme.
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Le net, un ramassis d’extrémistes antidémocratiques
Dans son allocution à l’Assemblée nationale, F. Baroin, ne sachant plus comment se dépêtrer d’une situation intenable, pointera le colportage des “tweets, de blogs et des gens qui règlent des comptes, et des opposants politiques qui ne partagent même pas vos valeurs (s’adressant aux socialistes)”. C’est le nouveau crédo à l’UMP, la mise en cause et la diabolisation du net. Par méconnaissance et surtout par mauvaise foi. Le site d’information en ligne Mediapart a révélé cette affaire. Une structure de presse composée de journalistes disposant de cartes de presse. N.Morano déclarera que Mediapart n’est pas un site d’informations “mais un site de ragots”. Elle serait danseuse de cabaret. Pour X. Bertrand, ce média utilise “des méthodes fascistes”.Les tweets portant sur l’affaire ne sont que des émanations de second niveau des articles parus sur un site ayant pignon sur rue. Une écume sur laquelle personne ne s’appuie. En ce sens, les députés de la majorité relèguent un organe de presse au rang de colporteur calomnieux. Traitent d’affabulateurs des journalistes qui mènent une enquête et publient leurs investigations. Ce qui met mal à l’aise leurs confrères journalistes plus proches du pouvoir.
Restent les extrémistes de tous poils, dont le droit de cité n’est plus permis. Puisque lorsque l’on se pose une question sur la probité d’un ministre, on est invariablement un dangereux gauchiste. Selon F. Baroin seuls peuvent penser et s’exprimer dignement les dirigeants de l’UMP et certains des plus dociles au Parti socialiste.
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À entendre le ministre du Budget, les députés de l’opposition devraient se taire et s’occuper de dossiers plus importants. Car les affaires de conflits d’intérêts au sommet de l’État s’inscrivent dans le cadre de problématiques secondaires.
En France, il est possible de porter plainte si on est victime d’allégations fausses ou calomnieuses. L’UMP devrait s’y atteler si c’est le cas. Au lieu d’en appeler à la censure (voire à l’autocensure), en pratiquant les amalgames douteux sur Internet, la démocratie et les extrémismes. Les hiérarques devraient s’en tenir aux promesses du candidat N. Sarkozy. En particulier, celle d’une République irréprochable, où la transparence sur les ministres serait de rigueur. Au lieu de cela, la majorité présidentielle pratique le chantage au populisme.
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Vogelsong – 6 juillet 2010 – Paris