PS et «pulsion de mort»

« La mort s’est détachée comme un fruit sec de l’arbre des dieux défunts » R. Vaneigem in « Adresse aux vivants »

Le PS est animé par une pulsion de mort.

Au risque de décevoir, mais dans un souci de transparence, il faut comprendre que l’expression « pulsion de mort » dans son acceptation la plus élémentaire, traduction de l’anglais « deathwish », dérivé de l’allemand « Todeswunch », et que l’on pourrait définir ainsi : une pulsion suicidaire qui pousse certains individus à se mettre régulièrement en situation de danger.

Vu de l’extérieur (du PS, de la France), il me semble évident que le PS français est animé par une telle pulsion. Malgré la brutalité et l’incompétence de ses concurrents de droite, il reste obstinément aux portes du pouvoir.

Il se fait doubler par le FN en 2002, mais n’en tire aucune leçon. En 2007, il savonne la planche à Ségolène Royal, femelle iconoclaste et illégitime. Il enfonce le clou au congrès de Reims. En 2011, il place DSK sur la rampe de lancement, malgré le risque important d’explosion en vol.

Retour en 2008. On s’émerveille devant l’ascension fulgurante, puis la victoire d’Obama aux États-Unis, mais aveuglés par son étasunisme d’apparence africaine, on passe à côté de l’essentiel. Voilà un type jeune, beau, fougueux, dynamique, éloquent, conquérant, qui bouscule le statu quo de son parti, les codes de la politique, etc.

En 2011, lors de la primaire socialiste, les candidats jeunes, beaux, fougueux, dynamiques, éloquents, conquérants et bousculants ont certes rencontré un beau succès d’estime, mais à la surprise de personne, le second tour a opposé deux apparatchiks de longue date du parti.

Vous avez dit pulsion de mort ?

Comme Jospin en 2002, le programme de Hollande dix ans plus tard se résume en creux à « vous n’allez pas réélire l’autre taré quand même ?! ». Sur le front des idées, il nous promet de l’austérité, mais mieux répartie (l’austérité juste ?). Sur le front de l’image, ces discordances prennent corps dans les fluctuations pondérales du candidat.

Mais peu importe. Le PS se mérite. Le PS veut être aimé inconditionnellement. Pour ce qu’il est, même s’il ne sait plus qui il est lui-même.

L’argent, la réussite, le business, l’économie de marché, la concurrence libre et non faussée ne sont pas des valeurs de gauche, mais ces valeurs n’ont jamais eu de meilleurs agents et promoteurs que les sociaux-démocrates, de Clinton et Blair à Schröder, Zapatero, Papandréou, pour ne pas citer nos socialistes bien de chez nous.

Chemin faisant, cette gauche doit bien avoir conscience qu’elle y a laissé des plumes en perdant son âme, ou du moins son sex-appeal.

Et pour aggraver sa crise d’identité, la Crise, justement, vient démontrer cruellement que ce système qu’elle a géré avec infiniment plus de compétence que la droite était en fait miné de l’intérieur.

Alors pétri de doutes et de contradictions (face à une droite pétrie de certitudes), le PS veut-il vraiment gagner ? S’il gagne sur sa droite, il entérine la perte de son âme, mais pour gagner à gauche, il doit se repentir et se réinventer du tout au tout, tâche titanesque.

Est-ce pour cela que le PS semble tétanisé, et incapable de saisir tous les bâtons que la droite lui tend pour se faire battre ?

Est-ce pour cela que son discours est inaudible et son image si trouble ?

Ou est-ce pour le coup une manifestation plus inconsciente d’une pulsion de mort de nature freudienne ? Pour simplifier allègrement, Freud identifie la pulsion de vie (survie, reproduction, sexe et autres pulsions créatives) et la pulsion de répétition, qui ont pour fonction de réduire la tension. Il leur adjoint plus tard, presque la mort dans l’âme si l’on peut dire, la pulsion de mort, désir de revenir à un état antérieur inorganique, par définition de tension zéro ou de repos ultime.

Les idéalistes préfèrent voter pour des gens animés par une pulsion de vie, mais à défaut, il faut avouer que cette pulsion de mort (au sens freudien ou ricain) qui ronge le PS est finalement une expression de ce qu’il a de plus humain, de plus humainement fragile, ce qui éveille une certaine empathie, et le rendrait sympathique s’il n’avait pas vocation (à son corps défendant) à gouverner le pays.

sknob – 27 mars 2012  -Paris

23 réflexions sur “PS et «pulsion de mort»

  1. Hello, il n’y a pas que le PS qui a des pulsions de mort , regarde la connerie de JF Place ce matin, il fait aussi fort que Cahuzac qui mérite des claques (et ça rime tiens). C’est un peu dommage. Tu verra dans mon billet du jour sur un vote particulier mais important en terme de symbole, que la saloperie putride n’est pas forcément chez ces vilains soc-dem , coupable trop facile tout le temps.

    Au commentateur qui dit que le PS est de droite : OK, on laisse tomber l’élection, par ce que là ça fait 85% des sondés à droite ? ça tombe bien moi je commence à en avoir marre des ces commentaires de ce genre là, et d’aller sur mes serveurs de blog et faire « rm -rf » , prendre mes affaires et dire GFY à un tas de gens. Travailler au black, faire du fric sur le dos des cons et remplir mon frigo vide.

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    • La vérité est toujours dure à avaler mais c’est la vérité ! L' »austérité juste » c’est de droite , comme ne pas dire clairement qu’il n’y a pas trop d’étranger en France mais trop de racistes ou encore s’accommoder de sbire de la trempe de Moscovici ou Valls. Désolé camarade !!

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      • Ah oui quand on dit on va aller voir les autres européens et demander que la BCE finance de la relance , et de financer les changements technologiques dans l’energie par exemple.. là on ne fait pas de relance, mais de l’austérité.
        Quand on dit on va mettre le paquet sur le PME plutot que le CAC40 (et ses complices du SBF125) , là aussi c’est sans doute de l’austérité.

        Tu va me parler du MES : certes, mais sais tu qu’on peut déjà sortir du déficit officiel les investissements d’avenir ?Bien sûr que les UMP mettent la dedans n’importe quoi. Mais est ce de la rigueur ?

        J’attend ta réponse !

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  2. @Reyvolt @Zac Egs, merci :-)

    @intox2007 « il n’y a pas que le PS qui a des pulsions de mort » me fait penser à l’argument de base de Sarkozy qui dit « Le chômage/lacrise/xxx est pire ailleurs que chez nous ». Peu importe. Le billet porte sur le PS, qui est quand-même, nous dit-on, le principal parti d’opposition qui va paraît-il remporter les élections.

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    • oui, donc dans ce cas, le FDG peut éventuellement dire n’importe quoi , et les ELLV comme Place faire encore pire que Copé : On ne dit rien ? On laisse faire ? ah oui c’est vrai ça permet de taper sur ces cons de socialistes. Ou pour certains d’oublier ce qu’on a écrit y’a quelques mois ou années.

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      • Tu noteras le « Vu de l’extérieur » au début du billet, alors que tu me parles de micro-tambouille interne aux partis. Et ne t’en déplaise, en tant que vieux gros parti « de gouvernement », l’inconscient collectif du PS est plus facile à cerner. Enfin, je n’ai traité personne de con.

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  3. Pingback: » intox2007 le bottom-10%, l’élection et le vote Hollande

  4. On pourrait se moquer d’eux si ce n’était pas d’une tristesse insondable…Se résigner, c’est mourir.
    Je le dis depuis déjà un moment. Il n’y a pas de mauvais électeurs seulement de mauvais candidats. Et le 6 Mai, on rajoutera « mauvaises raisons ».
    La perspective de voter PS le 6 Mai uniquement contre Sarkozy attise autant ma colère qu’une forme de désespérance.
    Enfin, je dis ça, mais le 6 Mai, je voterai Mélenchon et on ira tous boire des verres à la santé de la VIème République ;-)

    Merci à toi @sknob de l’avoir dit avec, finalement, autant de modération, je n’aurais pas réussi à le faire…je suis plus enragée ;-))

    On est bien chez @vogelsong…

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  5. Vous oubliez un peu vite que Mélenchon appellera à voter pour le PS, ce qui est logique puisqu’il en est issu et qu’il a pour but de rabattre les voix qui iraient au parti communiste ou au FN. Marine Le Pen s’en est inquiété à juste titre car elle sait qu’il représente un danger pour elle. Une fois de plus les électeurs se retrouveront à choisir de deux mots celui qu’il estimeront le moindre en sachant que l’enjeu reste le départ du président des riches. L’affaire du financement de sa campagne devrait y aider.

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    • @CorinnePerpinya Merci. Ça me fait penser au modèle de Kübler-Ross sur les différents stades du deuil : Déni, Colère, Marchandage, Dépression, Acceptation. Tu en es au stade de la colère. Je navigue entre les deux derniers stades. ;)

      @XETGZSDF Mon billet ne s’intéresse pas aux manœuvres d’appareil, tactiques, stratégiques, électoralistes ou autres qui obsèdent tant certains candidats, éditocrates et militants et qui pour ma part me donnent la migraine. Mon vote est tout bêtement dicté par mes convictions et ma conscience au premier tour, et le cas échéant, je vote par élimination au second tour.

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      • Salut Sknob ! très bon billet. Une remarque en passant concernant ton modèle Kübler-Ross : il était enseigné à tous les cadres et agents de FT afin qu’ils acceptent leur destin inéluctable. On a vu ce que ça a donné.
        Donc je préfère une sortie par le haut et ne pas avoir le choix entre Charybde et sa jumelle dépressive, pardon, pétrie de pulsions de mort au 2ème tour. Donc (re), je fais comme Corinne et vote FDG au 1er tour. Et si ns sommes suffisamment nombreux, nous aurons enfin vraiment un choix. (bon, j’arrête de troller ;-)

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        • Salut à toi @laetsgo ! Pour info, je n’ai pas participé à l’élaboration du modèle Kübler-Ross, et je ne suis d’ailleurs pas très friand de ce genre de petites boîtes simplificatrices ;-)

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  6. Bonjour Sknob,
    Je partage pas mal de ce que tu écris.
    Bien que je n’ai pas autant d’états d’âmes, peut être parce que je me suis résigner au fait
    Le plus étonnant est que justement nous parlions avec des amis de cette pusion de mort, la nécessaire mise en danger pour mieux sauter et donner ce petit supplément d’âme qui permet de gagner.
    Ensuite la victoire n’est pas surtout avec le PS mais aussi avec EELV, PCF et FdG n’est pas une fin en soi. Il faudra continuer à se battre pour changer la vie vraiment.

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  7. Merci @richardtrois. Quand tu dis « se mettre en danger pour mieux sauter » tu es conscient du double sens ? (Ou du triple sens si on compte DSK). Desolé, suis en mode freudien ici. ;)

    Suis malgré tout frappé qu’il faille s’en remettre à la foi (comme Emmanuel Todd et son pari pascalien), alors que rien de concret ne permet de penser qu’il se distinguerait de ses prédécesseurs cités dans le billet (mais c’est dans la nature de la foi je suppose).

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    • LoL maintenant tout le monde me regarde me marrer dans le train, c’est malin : )

      Mais non, la foi n’est pour rien là dedans.
      Juste l’obligation d’être pragmatique parce qu’on a pas d’autres choix : si on veut voir la bouteille à moitié pleine et faire progresser ses idées. Rien dans ce bas monde ne se fait en un jour ni sans rapport de force. Donc il faudra considérer le 22 avril puis le 6 mai comme le début d’une histoire à construire, en pensant d’abord à ceux qui ont le besoin le plus urgent du changement.

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  8. @richartrois Désolé ;)

    Être pragmatique à l’issue des élections, bien obligés. Être pragmatique dès le 1er tour, c’est un dévoiement du système. Je préfère « démarrer le début de l’histoire à construire » le plus près de l’objectif à atteindre possible :)

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  9. Pingback: Variae › Vaincre la peur de gagner, croire en la victoire

  10. Ne pas être dupes de nos débats internes.
    La nullitude en Sarkozie 5 ans de plus ? Ce n’est pas possible.
    Exigence. Lucidité. Confiance.
    Tout est à faire. Après le 6 mai. Ensemble

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