Y-a-t-il un droit à la sécurité ?

“Pour nous, le droit à la sécurité est une exigence absolue. Partout et pour tous” – M. Aubry – 16 novembre 2010 dans une tribune du Monde

“Le droit à la sécurité partout et pour tous” – B. Hortefeux – 23 juin 2009 – Lors de sa prise de fonctions

Nouvel aggiornamento pour la gauche. M. Aubry dans une tribune du Monde intitulée “Il ne peut y avoir de justice véritable sans droit à la sécurité” datée du 16 novembre 2010 décrit à grands traits le nouveau plan sécurité du PS. De son côté, J. J. Urvoas planche sur une “boîte à outils” utile au candidat de la gauche pour les présidentielles dans cette thématique. Il avait publié “Le baiser de judas”, une charge ciblée de la politique sécuritaire de N. Sarkozy. Un démontage par le menu du double jeu, discours/actes sarkozyste avec les forces de l’ordre. Bien ressenti par les responsables de l’opposition deux années avant l’échéance, le scrutin se jouera probablement, essentiellement sur “la sécurité”. Ce vocable acquiert ses lettres de noblesse comme une thématique unique et spécifique, au même titre que “l’économique” et “le social”. Une grande victoire culturelle pour la droite qui y pratique le perpétuel labour. À gauche, on traîne le boulet d’un laxisme de 30 ans. Une situation qui oblige à s’adapter voire à mimer sans répit.

Le droit à la sécurité, une construction

La première secrétaire du parti socialiste se réfère au concept dans sa tribune qui se termine par “Pour nous, le droit à la sécurité est une exigence absolue. Partout et pour tous”. Auparavant elle y exposait une série de propositions donnant la part belle à la sanction saupoudrée de prévention. Des positions commentées comme “décomplexées”. Pourtant, le droit à la sécurité est une construction contemporaine qui relève d’une mutation de la sûreté telle qu’elle est énoncée dans la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 et d’une thématique “culturelle” et “médiatique” omnipotente. Dans la version initiale, le concept de “sureté” entend limiter les atteintes à la liberté individuelle face à la force publique, l’Etat. Que cela soit le droit des accusés pour la rétention et les peines ou pour le respect de non-rétroactivité de la loi et de la présomption d’innocence. À ce titre, les rodomontades sécuritaires en lien avec la délinquance telle que l’entendent les politiques actuels sont hors propos.

Dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, le droit à la sécurité est évoqué à deux reprises. Tout d’abord dans le cadre de “la sécurité sociale” article 22, plus loin dans l’article 25 qui stipule “le droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie…”. Des cas faisant exclusivement référence à l’univers économique et social.

La sécurité comme concept légal subit un double mouvement. Elle a enrichi l’idée de sûreté en y adjoignant un volet délinquance. Quant à la sécurité économique et sociale, elle se trouve appauvrie dans son objet pour ensuite trouver une extension biaisée. En l’occurrence, l’obligation de sécurité des plus pauvres, non pas dans leurs conditions économiques et sociales (comme initialement prévu) mais dans leur condition invariable de pauvres. Comme strate sociale davantage sujette à la délinquance. Et ce, dans les deux sens. Comme victimes, car plus vulnérables et plus proches des zones à risques, mais aussi (et surtout) comme potentiels délinquants.

Le droit à la sécurité, des moyens aux résultats

La sécurité, valeur cardinale du sarkozysme, le promontoire qui permet d’atteindre le pupitre. N. Sarkozy en 2009 s’adressait aux policiers ainsi : “…vous êtes en charge du premier des droits de notre République. La sécurité est un droit (…). Vous pouvez compter sur mon soutien total comme sur celui du gouvernement de F. Fillon”. Les éléments saillants dans ses déclarations sécuritaires renouent invariablement avec la culture du résultat. Idées de campagne lourdement martelées. En ce domaine dans ses discours ressort la prédominance de l’assertion, qui dépasse largement le registre volontariste. Une hardiesse qui vaut bilan quasi immédiat. Dans une langue qui ne tolère que l’indicatif, présent ou futur. En d’autres termes en matière de sécurité le sarkozysme n’essaie pas, ne met pas les moyens pour atteindre ce qui pourrait être un objectif de sécurité. Dans le réel et le possible. Le sarkozysme, lui, sécurise, halls d’immeuble, zones sensibles, lieux publics de manière certaine. Le gouvernement fait la guerre à la délinquance (et compte tenu du rapport de force : la gagne). Ce droit à la sécurité avec obligation de résultat apparaît finalement comme un fantasme. Il y a peut-être une tolérance zéro, mais il n’y a pas de risque zéro. En promettant la sécurité comme résultat, on entre dans le domaine irrationnel du contrôle total. De l’asservissement intégral des vies, de l’environnement et du monde. On découvre alors la prétention inepte du régime dans sa perpétuelle quête du résultat. Loin d’une approche rationnelle d’obligation de moyens pour déployer une politique de sécurité débarrassée des chimères démagogiques.

D’ailleurs lors de son élocution télévisuelle du 16 novembre 2010, le président toujours en campagne s’arroge de nouvelles prérogatives, en déclarant être “Chef de l’Etat garant de l’ordre public”.

Point de salut sans victoires électorales. Le PS s’y est résigné. Regarder passer les élections majeures, les perdre en pratiquant un discours raisonnable dans un univers insensé relève du suicide politique. Même si c’est avec panache. À sa manière la gauche emprunte le chemin sinueux du droit à la sécurité. Expression fourre-tout, destinée à ravir : l’éditosphère par l’évolution du discours d’une gauche plus “moderne” (dont M. Valls est le parangon) débarrassée de ses oripeaux “laxistes”; le champ sémantique et par là même, l’univers mental du camp d’en face, pour conquérir son électorat. De son côté, la droite pratique avec beaucoup de parcimonie la colonisation idéologique. Le droit à l’économie, ou le droit au social avec obligation de résultat, bien moins vendeur, ne figure pas à l’ordre du jour.

Références légales – Ligue des droits de l’Homme de Toulon

Vogelsong – 19 novembre 2010 – Paris

21 réflexions sur “Y-a-t-il un droit à la sécurité ?

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  2. Cher ami, je ne te ferai pas l’affront de te rappeler qu’il y’a un document sur l’égalité réelle avec quelques défauts, mais il existe et est parait il « gauchiste » selon certains maires de Lyon.
    Il suffit de rechercher « sécurité » dans ce PDF et de constater que c’est accolé à « insécurité sociales » à combattre.

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    • Il n’y a pas d’affront. Le texte sur l’égalité réelle touche juste. Le fait que le maire de Lyon s’en offusque montre sa bonne orientation.

      L’insécurité sociale, sujet éminemment interessant, sort du cadre de ce petit texte.

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  3. La gauche pourrait jouer sur la sécurité des personnes (sécurité physique, mais aussi morale et sociale), sur une idée paisible, douce, de la France.

    L’opposition se tient : La droite, c’est le choc, l’incertitude, la casse, la rupture, le passage en force, et la gauche , la réparation de notre modèle, la douceur de vivre, la protection, la négociation.

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    • Ce que j’essaie de montrer, mal peut-être, c’est l’accession à une forme de démagogie du parti de gauche :

      La sécurité est devenue un sujet au même niveau que le social.
      Que malgré tout ce sujet est et sera perdant.
      Que le concept de droit à la sécurité est une foutaise pour téléspectateur de TF1.

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      • du parti de gauche ? tu veux dire du « vrai » PG ou est-ce ton appellation (ironique ? :-) du P »S » ?
        Sinon, d’accord avec Dagrouik : pour m’être farci les 39 pages du texte sur l’égalité réelle, il y a matière à faire de la sécurité l’enjeu social et économique qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être, mais tant que la droite monopolisera ce terrain (et en donnera l’orientation démago-sécuritaire que l’on connait) et que la gauche PS ne se positionnera pas clairement sur un autre champs sémantique et idéologique, Sarko et sa bande auront beau jeu d’en faire leur axe de campagne pour 2012. Et en plus, ça risque de leur réussir :-(

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        • @laetsgo
          Oui je parlais du PS, j’ai écrit parti de gauche sans majuscules. Mais je reconnais là ton côté puriste.
          Par contre, l’évocation du rapport sur l’égalité réelle me semble hors propos.
          L’une des thématiques du billet est l’accession de la sécurité au niveau de l’économique et du social.
          La méthode pour noyer le poisson (quand on est militant PS) consiste à dire que tout se tient et que le PS travaille aussi sur le social (égalité réelle). Le PS propose aussi de créer des crèches, etc… On peut toujours autour d’un texte de 5 000 signes expliquer que des encyclopédies existent.

          Pour mémoire donc je rappelle les thématiques :
          -Accession au niveau du social et de l’économique de la sécurité. Pain béni pour la droite.
          -La construction du slogan de marketing politique du concept de droit à la sécurité comme un droit à obligation de résultat. Un piège.

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        • Tout se tient, j’ai vu un reportage édifiant sur les fraudes hier sur m6, ça rappelle qu’en montant les entreprises bouffent 80 a 90% de la Fraude.
          Les insécurités sont multiples et liées. Le bordel est partout, et ce ne sont pas les petits délinquants les + dangereux pour la stabilité de la société !

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  4. Si la « sécurité » est autant un symbole pour la droite c’est qu’elle est surtout la sécurité des biens et beaucoup moins celle des personnes . Elle fait partie de leur conception matérialiste de leur dogme culturel . Il faut d’abord s’enrichir et ensuite se prémunir contre les voleurs , les parasites , les délinquants , les immigrés , que sais-je …
    Et ceux qui n’ont pas « réussi » , sous-entendu les pauvres , ne méritent même pas qu’on les défende puisqu’ils n’ont fait aucun effort . Je caricature un peu mais pas trop .
    C’est presque ce que j’entends tous les jours dans les discours de nos dirigeants.

    Regardez un JT relatant des évènements violents ( émeutes , bagarres , incendies, etc..) . On passe rapidement sur les dégâts humains pour décrire par le menu tous les autres les coûts matériels et financiers . De même pour les grèves où ne pense pas une seconde à ceux qui la font et qui perdent leur salaire mais où on déplore toujours à grands renforts d’exemples et de pleurs tous les profits que celà empêche de faire !

    Pour la gauche , c’est beaucoup plus difficile . La sécurité est un droit certes , mais un parmi tant d’autres . C’est une question de priorités . C’est un terrain qui est miné par la droite ( et le FN bien sûr) mais la tentation est grande pour certains d’aller à la pêche aux électeurs indécis qui nagent entre deux courants . C’est un peu ce que fait Valls entre autres .

    Et pourtant le thème de la sécurité ne doit pas être un tabou car ceux ( ou celles ) qui en souffrent le plus ( de l’insécurité) sont les plus pauvres et ceux qui vivent dans ces ghettos .
    On les a , droite comme gauche , laissés se développer par des politiques de la ville successives sans ambitions et laxistes , en y entassant tous ceux et celles qui économiquement n’avaient pas les moyens de vivre autrement .
    Aux habitants des quartiers riches la tranquillité et aux autres la confrontation journalière avec une délinquance qui existe bel et bien !!

    Mais les maires , les présidents de conseils régionaux , de conseils généraux sont pour beaucoup socialistes et se trouvent confrontés à cette population qui les appelle à l’aide dans des quartiers où règne la loi du plus fort .
    Que faire dans ces conditions ? Se taire et dire que la gauche revenue au pouvoir règlera ces problèmes par la prévention ?
    Beaucoup d’élus de gauche ont quand même compris qu’il ne suffisait pas de dire mais que l’important était d’assurer à TOUS la même sécurité . C’est donc bien une nécessité , et dans certains cas une urgence . Car il ne faut pas rajouter l’insécurité à l’insécurité sociale .

    L’idéal , comme tu le dis , c’est d’avoir une obligation de résultat sur tous les tableaux .

    Et dans ces deux domaines , Sarkozy a été en dessous de tout , en ponctionnant toujours plus à ceux qui n’ont plus le sou , en déclarant la guerre à la « sécurité » sociale et en dégradant le rôle des maires , des professeurs , des élus . En désignant jour après jour un bouc émissaire à son incompétence , il a durablement contribué à la haine sociale . La gauche aurait-elle fait celà ? Je pense que non .

    Mais elle ne doit plus faire du Jospin en ignorant superbement un côté non négligeable du droit des citoyens à vivre tranquillement . Elle a à résoudre une équation à multiples inconnues , celles du chômage , de la santé , de l’éducation , des services publics ET de la sécurité , mais jamais l’une sans l’autre !

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    • Cela fait presque l’objet d’un billet. Bravo et merci.

      Juste une précision. Bien que le titre soit une question binaire, le texte n’y répond pas (vraiment).
      Je ne pense pas que l’obligation de résultat soit une solution.

      Le droit au travail est dans la constitution…

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      • L’obligation de résultat n’est pas celle d’obtenir des chiffres comme le fait actuellement Sarkozy .
        Mais je pense que si nous avons envie que les gens s’intéressent , votent , fassent plus attention à leur voisin et souffrent moins , se sentent moins en « insécurité » sur tous les tableaux , nous n’avons pas le choix que d’obtenir des résultats tangibles et palpables , mesurables dans leur vie de tous les jours .
        C’est juste ce que j’appelle l’obligation de résultat .

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  5. Le « droit à la sécurité » me semble aussi c..stupide que le « droit à la santé » dont on nous rebat les oreilles.
    Cette altération du sens des mots pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes m’exaspère.
    Au mieux il y a « droit à la protection » des forces de police comme il y a « droit aux soins » des acteurs de santé publique.
    La confusion entre la santé et les soins ou la protection et la sécurite me semble stupide et, pour tout dire, cette ambiguité soigneusement entretenue est malsaine et laisse entrevoir des perspectives inquiétantes, tant pour l’avenir de la protection sociale et civile que sur l’utilisation des forces de police.

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    • J’ai aussi le même sentiment car l’insécurité « n’est qu’un  » sentiment . On voudrait mettre tout le monde en sécurité ou en sûreté
      Mais la « sûreté » désigne aussi la prison.
      Beaucoup de technocrates se sont faits les spécialistes ès sécurité ..alimentaire , informatique , au travail , aux biens , aux personnes , etc…
      Au nom de cette sécurité ils ont rapetissé le monde en multipliant les lois , en les rendant de plus en plus complexes , incompréhensibles et inapplicables .Ils l’ont ramené à un monde carcéral où l’air est à peine respirable , où l’attention des hommes doit être toute entière tournée vers SES sécurités .
      C’est vrai le droit à la santé ne veut rien dire , car la santé ne se décrète pas , l’obligation de soins , oui .
      Tiens d’ailleurs , il existe aussi la prison de la « santé « !!
      Le rêve de nos actuels dirigeants serait-il de mettre tout le monde en prison ..mentale ?

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      • @coup de grisou
        Tu conviendras que la sûreté grandement mutée.

        Sur le sentiment, on observe tout de même une augmentation des atteintes aux personnes, dont une grande partie a lieu dans le cercle familial. Donc impossible à éviter grâce à un déploiement policier.
        « Le rêve de nos actuels dirigeants serait-il de mettre tout le monde en prison ..mentale ? »
        Précisément

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        • Tu as raison , les atteintes aux personnes se situent dans les familles elles-mêmes .
          Il y a très longtemps ( en 1980), une assistante sociale a dit au béotien que j’étais « tu sais , le véritable danger se situe dans les familles elles-mêmes » .
          Effectivement les cordons de CRS n’y peuvent rien , par contre l’aide aux enfants , aux femmes battues ou maltraitées peut être largement développé .
          Mais la mutation c’est qu’actuellement le sentiment « d’insécurité » grandissant est surtout lié au fait de ne pas savoir de quoi demain sera fait ( j’en sais quelque chose puisqu’à 62 ans je suis toujours chômeur) .
          Dans ces conditions ce sentiment profond s’accroit lorsque nos dirigeants refusent de revoir leur copie ( par ex sur les retraites) et lorsqu’ils envoient les forces de « l’ordre » disperser les manifestations .
          Et tout celà au nom de la « sécurité » des finances publiques !

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  6. Article étonnant. L’une des raisons de l’existence de l’état, pour lequel le Souverain lui a délégué le monopole de l’usage de la violence, est celui d’assurer la sécurité intérieure et le maintien de l’ordre public ; c’est l’une de ses fonctions régaliennes. Dès lors, il ne me semble pas farfelu de parler de « droit à la sécurité », même s’il vaudrait mieux parler de « devoir d’assurer la sécurité » par l’état.

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    • @Bob
      Vous n’êtes pas sans savoir qu’une partie croissante des missions « régaliennes » sont transférées au secteur privé.
      Le droit à la sécurité est un slogan.
      J.J. Urvoas aborde ce sujet dans un entretien video qui sera en ligne ces prochains jours.

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  7. @vogelsong…heu…je rebondissais simplement sur ce qu’avait dit Dagrouik ! Loin de moi l’idée de prêter une quelconque vraie volonté de changement au P »S »… mon côté puriste ;-) n’empêche qu’il (le PS) devrait se reemparer de ces sujets s’il voulait incarner une réelle alternance à la politique sarkoziste…parce que là, c’est rose très pale….

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  8. Il n’y a pas de « droits à » ce sont des faux droits, comme le droit au logement, à une vie de couple, à un RMI. Ce sont des droits socialistes qui nécessitent à l’Etat de dépouiller quelqu’un pour faire profiter à un autre, souvent à des vues électoralistes.

    Par contre il y’a des droits naturels inhérents à toute personne, et parmi ceux là, le droit d’assurer sa défense, le droit de se protéger. C’est dans l’esprit de ce droit naturel, que les pères fondateurs américains ont donc crée le 2nd Ammendment aux USA, qui permet à tous de s’armer pour se défendre.
    Quand le PS, garantira ça, alors oui, il garantira vraiment la sécurité aux français.

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