Innocente ignorance du responsable politique en France

« Nous n’étions au courant de rien« . L. M. Chatel le 19 août 2009. Pris la main dans le sac, le ministre de l’Éducation endosse la posture maintenant habituelle de l’homme politique en sarkozie. Le déni avec aplomb. En France, les responsables ne démissionnent plus. Et l’ignorance à bon dos. Que cela soit pour amateurisme en grande surface, pour des questions de gros sous ou pour manque de probité, l’innocent ignorant s’agrippe.

innocenceEn visite dans un supermarché pour assurer le service après-vente des promesses présidentielles sur le pouvoir d’achat, L. M. Châtel croise par bonheur une mère de famille comblée par la baisse des prix. La scène se déroule sous les caméras de la télévision publique nationale. La chalande trop emphatique met la puce à l’oreille à un journaliste de France Inter. Finalement, comptable du magasin et militante UMP, la charismatique sarkoziste fait l’appoint dans une campagne de communication qui relève au mieux de l’amateurisme, ou pire de la paresse.
Au cœur du dispositif, la baisse des prix obtenue sous les effets conjugués de la concurrence et de l’expansion des supermarchés. H. Novelli qui accompagnait L. M. Chatel vit des moments uniques. Travail le dimanche, baisse de la TVA pour les cafetiers, ou renforcement des grandes enseignes mettent en pâmoison l’ancien membre du PFN* reconverti en secrétaire d’État poujado-libéral.
Le pot aux roses découvert, L. M. Chatel tombé du ciel, affirme ne rien savoir. Mieux, l’ancien cadre de L’Oréal charge cyniquement l’enseigne qui s’exécute en publiant un communiqué. Elle y endosse toute la responsabilité de cette pantalonnade. Affaire classée. Aucune conséquence.
Lors de la rentrée scolaire précédente, à Marseille, N. Morano convia aussi des militants de l’UMP à célébrer l’extase du dispositif placebo ARS (allocation de rentrée scolaire).
Très à cheval sur le précepte de responsabilité, cher à la vulgate libérale, H. Novelli et les poulains de l’UMP s’en contrefoutent quand ils trempent eux-mêmes dans le marigot.

L. Parisot déclare qu’elle n’était pas au courant des mouvements de fonds de l’UIMM. La plus importante composante du MEDEF déversait d’abondantes liquidités sur syndicats et hommes politiques. L’immaculée déclara même « être tombée de l’armoire » quand elle apprit les agissements qu’elle qualifia de « secrets de famille que l’on savait inconsciemment« . Ici aussi le concept de responsabilité rencontre rapidement ses limites, refoulées aux franges extrêmes de la conscience. La stratégie consiste à nier avec l’aplomb du training de communication. Puis les instances dirigeantes concoctent un dépoussiérage de l’organigramme. Point de démission en réalité. D. Gauthier-Sauvagnac annoncé démissionnaire reste néanmoins secrétaire général du MEDEF. On passe l’éponge.

M. Alliot-Marie déclarait pendant l’incarcération de J. Coupat que si la justice conservait prisonnier le présumé terroriste anarchoautonome c’est « qu’elle a des raisons de le garder« . Elle s’emploie à « dé-personnifier » le(s) donneur(s) d’ordre du maintien en détention sentant peut-être poindre le fiasco. Effectivement, le dossier s’avère vide malgré l’entêtement des enquêteurs. J. Coupat sera libéré après sept mois d’embastillement. Pas le moindre début de preuve pour condamner le forcené de Tarnac. Dans ses diverses interventions, le ministre de l’Intérieur ressasse à l’envi des platitudes sur le danger des groupes extrémistes et la sécurité de l’État. Mais le camouflet est sévère et personne n’est responsable. A. Montebourg hurlera seul dans le désert médiatique : « Sept mois de prison infligés à un innocent pour faire monter une sauce politicienne au goût infect, dans n’importe quel pays démocratique, cela vaut une démission« . Lors du remaniement de juin 2009, M. Alliot-Marie héritera du prestigieux maroquin de Garde des Sceaux.

De la part d’individus dont la stratégie de pouvoir consiste à accumuler des informations pour conduire leurs affaires et leurs carrières, l’argument de l’ignorance sonne creux. Un manquement souvent vécu comme une carence professionnelle dans ces milieux. Étrangement là, elle sert leurs intéressés. Et faute de preuve, le doute profite.
N. Sarkozy bâtit son accession à la présidence sur la responsabilité et la réussite où la culture du résultat est érigée comme une rupture politique. De vieilles lunes libérales sempiternellement rabâchées depuis plus d’un quart de siècle. Un modèle idéal où on ne se défile pas. Un modèle où on assume au prix fort ses carences. Dans la vraie vie de l’économie de marché, le gotha présidentiel se complait dans l’autosatisfaction de ses supposées réussites. Il ne se prive pas pour stigmatiser les perdants, les oisifs. Pour donner le change, E. Besson fut mandaté pour évaluer le gouvernement. Mais le benchmarking objectivé dans les affaires publiques se heurte à plusieurs écueils. Principalement parce que la communication politique s’arrange toujours élégamment avec réalité par l’entremise du tamis médiatique. Mais dans l’hypothèse d’une évaluation « sincère », le grand jeu de la vérité tournerait inévitablement au seppuku républicain. Dans sa perpétuelle survie médiatique, le Président « responsable » serait concerné au premier chef.

*Officine raciste à la droite du FN

Vogelsong – 21 Août 2009 – Paris

21 réflexions sur “Innocente ignorance du responsable politique en France

  1. « De la part d’individus dont la stratégie de pouvoir consiste à accumuler des informations pour conduire leurs affaires et leurs carrières, l’argument de l’ignorance sonne creux. »

    très juste

    mais à la limite, on a presque l’impression que tout le monde s’en fout. sarko a mithridatisé l’espace médiatique au point que les bidonnages sont au mieux ignorés et au pire vus comme une preuve d’habileté, voire « la fin de l’hypocrisie »

    à noter quand même que ça buzze au ny times:

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    • Au creux de l’été. Dans quinzes jours ce sera oublié.

      Ce que j’essaie de mettre en exergue c’est que les discours sur la responsabilité et le résultat n’est pas applicable quand ce sont les hierarques qui doivent y être soumis.

      LA responsabilité étant la pierre angulaire du libéralisme.

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  2. Tout à fait d’accord, mais ça n’est pas très nouveau: mieux vaut maquiller la réalité pour la faire luire que de la rendre réellement brillante, c’est beaucoup plus efficace.

    À quoi servirait la pub, la com, et les journaux sinon?

    D’ailleurs, cela fait longtemps que les vendeurs ont compris qu’il vallait mieux donner une excellente image de leurs produits que de fabriquer d’excellents produits.

    Vous avez raison de souligner que « normalement », ça ne devrait pas exister, mais l’ordre des choses actuel veut ça. Et allez changer nos concitoyens…

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      • Ah mais les marchands de tapis savent parfaitement qu’ils vendent de la camelote. Mais tant qu’ils vendent grâce à leur bagou, où est le problème?

        Les politiques aussi, on achète leur camelote et on en est très content, c’est à dire qu’après les élections, plus d’un se dit: Chouette, maintenant il s’occupe de tout tout seul pendant 5 ans: Il va gouverner. D’en être content, c’est aussi irresponsable. On est donc irresponsable de voter pour des gens qui nous flattent d’être irresponsables.

        Après une telle irresponsabilité, de quoi seraient-ils responsables envers nous? De rien si les élections n’étaient pas périodiques. Mais il faut entretenir la flatterie, pour se faire réélire, non? Au final la responsabilité que nous leur confions est de suffisamment bien nous flatter pour qu’on les réélisent. Et mentir est nécessaire pour flatter.

        Le plus triste je trouve est que les affaires communes là-dedans, l’examen des problèmes ne sont que très secondaires, puisque l’apparence est la première préoccupation, et qu’en flattant bien on arrive à tout.

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  3. Le bidonnage de l’info est effectivement devenu sous Sarkozy monnaie courante, pire une pratique naturelle. Les medias complices ne relayant peu ou pas, seulement quand ils y sont contraints, les affaires, tout cela passe comme une lettre à la poste.

    Qui parle encore de Coupat sinon l’oiseau ou encore de Lagardère dans l’affaire de délit d’initié d’EADS ? Il a été innocenté. Ben voyons…

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  4. Le mythe de l’assomption des résultats par les détenteurs du pouvoir dans le libéralisme est une billevesée.
    Nous avons tous appris en philo (sauf peut-être Nicoléon qui était un cancre) que le corollaire du pouvoir, c’est la responsabilité.
    Ca, c’est vrai à moitié. Quand ton boss prend une mauvaise décision qui engage l’avenir de la boîte (en fait qui prive la boîte d’avenir…), c’est toi qui est viré.
    La vraie loi du libéralisme aujourd’hui, c’est surtout se défausser. Si possible sur quelqu’un qui ne peut se défendre. Soit qu’il est trop faible, soit qu’il doit trop au pouvoir en place.
    Le reste n’est que littérature…

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  5. Pour le Medef, quand même, il faut souligner qu’une présidente du patronnat français qui ne sait pas que plusieurs millions d’euros passent en douce sous les écritures de bilan, fait pour le moins preuve d’incompétence crasse. Ça mériterait VRAIMENT une démission !
    Bel article !
    :-))

    [Merci LeCoucou qui me fait passer par ici !].

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  6. Au fait, Vogelsong, as-tu fait le compte des membres du gouvernement et des cabinets ministériels issus du PFN, de l’UNI, du GUD, du mouvement Occident et autres groupuscules humanistes bien connus pour leur humanisme et leur goût pour les solution à base de matraque…

    Tu serais surpris, même notre nabot énervé sort de l’UNI.

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  7. Du moment que les allocs tombent, les français accepteront n’importe quoi de n’importe qui.

    Seul un écroulement financier provoquerait comme en 1789 un effondrement du systême.

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  8. Pingback: La Taxe carbone, une véritable imposture | Reversus

  9. Est-ce que des études ont été faites concernant l’impact de la grippe A sur l’économie française ?

    Des centres de vaccination seront spécialement créés et installés dans des gymnases et des salles polyvalentes et non dans des établissements de santé, pour ne pas gêner leur fonctionnement. Les personnels de santé hospitaliers seront vaccinés sur leur lieu de travail.

    Il y aura un centre pour au maximum 100.000 habitants. Chaque centre disposera d’au moins une équipe de vaccination, avec trois agents vaccinateurs et la présence d’un médecin ou d’un infirmier.

    Chaque équipe devra être en mesure de vacciner environ 15.000 personnes sur quatre mois. Des centres « de grande capacité » pourront assurer la vaccination complète de près de 100.000 personnes.

    Les préfets devront d’ailleurs recenser tous les personnels habilités à vacciner : médecins, internes en médecine, infirmiers… Le recrutement se fera sur la base du volontariat et les personnels de santé seront rémunérés.

    Concernant la vaccination des écoliers et de leurs professeurs, elle sera assurée par des équipes mobiles dans les établissements scolaires». Ces équipes iront aussi dans d’autres collectivités comme les crèches, les prisons ou les établissements médico-sociaux.

    http://www.lefigaro.fr/sante/2009/08/27/01004-20090827ARTFIG00686-grippe-a-etre-pret-a-vacciner-des-la-fin-septembre-.php
    Grippe A : la directrice de l’OMS préoccupée par les décès de jeunes adultes.

    Margaret Chan, directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), estime que le fait “le plus préoccupant” de la grippe H1N1 est que ” 40 % des décès concernent des jeunes adultes en bonne santé “.

    “Ce virus voyage à une vitesse incroyable, inédite, et en six semaines il parcourt la même distance que d’autres virus en six mois”, souligne la directrice de l’OMS dans une interview au quotidien français Le Monde paraissant samedi 29 août.

    Elle insiste aussi sur le nombre “sans précédent” de personnes infectées, estimant que “jusqu’à 30 % des habitants des pays à forte densité de population risquent d’être infectés”.

    “60 % des décès surviennent chez des personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents”, relève aussi le Dr Chan.

    “Ce qui signifie que 40 % des décès concernent des jeunes adultes – en bonne santé – qui meurent en cinq à sept jours d’une pneumonie virale”.

    “C’est le fait le plus préoccupant”, dit-elle, estimant que “soigner ces patients est très lourd et difficile”.

    http://www.romandie.com/ats/news/090829112558.5kp7syzv.asp

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