L’humiliation, la petite corvée de F.Lefebvre

La droite décomplexée, à la sauce F.Lefebvre, innove de façon brutale dans le débat politique. Après la vulgarité, le mépris, il y ajoute l’humiliation. Dans une lignée très thatchérienne, les séides de l’UMP piétinent cyniquement le corps social et ses représentants. Diversions, lois sécuritaires et symbole fort, en proposant de travailler malade, le jour d’un fiasco syndical, la droite française va loin. Comme jamais.

42-21853134F.Lefebvre est en roue libre. Il se permet tout. Il a surpassé son image de porte-flingue cynique. Grisé par sa puissance, il ose sans limites et incontinent de morgue. Dernier prurit en date, le télétravail pour les salariés malades. Fidèle à son univers libéral loufoque, il s’appuie sur le prétexte habituel « de la base du volontariat » pour instiller sa purulente logorrhée droitière. Ainsi, il profère « C’est une idée qui correspond à un problème précis (…) c’est juste une faculté, juste une possibilité. Si cela apporte un avantage pour le salarié qui le souhaite… » Compte tenu des rapports de subordination entre employeurs et salariés, « la base du volontariat » est un conte de fées débile.
Le porte-parole du gouvernement envoie un message clair aux partenaires sociaux. Ces derniers ont contenu depuis plus de 6 mois la colère des salariés. Ils sont devenus spécialistes dans l’organisation de marches relaxantes anti crise. A.Minc les trouvent « formidables« . Grâce à la CGT, CFDT, le gouvernement va passer un été paisible. Ils accompagnaient les réformes en les négociant, ils se sont transformés en lénifiants sociaux.
Le  message du député des Haut de Seine qui arrive au même moment que la microscopique journée d’action syndicale du 26 mai. Message dont la teneur est sans ambigüité : en plus d’être discréditée par de stériles manifestations, en plus du soutien tacite utile à apaiser les colères ; en plus, symboliquement juste avant un mouvement, une proposition caricaturalement antisociale est proposée. Bien qu’inepte, elle ne changera rien à l’ampleur anecdotique de la journée d’action. Après avoir servi de soupapes de sécurité, c’est en crachoirs que sont traités les syndicats.
Le lobbyiste F.Lefevbre au lendemain du bide syndical, redéposera l’amendement sur le télétravail. Pour le  cas où le signal ne fut pas assez clair.
Personne n’est dupe, personne ne veut de cette loi. Dans sa grande mansuétude, le potentat UMP épargnera la plèbe d’un tel sacrifice. « Travailler malade, voyons ! ».
Le symbole est puissant, violent. Dans la France au passé social combatif, aujourd’hui, c’est l’oligarchie libérale qui décide. Elle matraque des messages clairs, portés par des matamores sans scrupules. Dans une stratégie médiatique et politique qui associe ballon d’essai et missives humiliantes. Au petit jeu du mépris, c’est un chef-d’œuvre d’amoralité.
Cette grotesque diversion permet aussi au mâtin sarkoziste, X.Darcos, de déblayer le terrain sécuritaire. La violence scolaire accouche d’une proposition sur les portiques et la faculté donnée au directeur d’établissement de fouiller les élèves. Le sinistre A.Bauer avance encore. Et sur un terrain sensible, les enfants.

Chauffée à blanc à la sortie de l’hiver, la France chemine nonchalamment vers la fin de printemps. Le gouvernement préserve l’essentiel, son pouvoir. Total. Comme une cerise sur le gâteau, il enchaine avec l’écrasement impitoyable du calamiteux parti socialiste lors des élections européennes.
Dans la France d’après, le gouvernement le jour d’un mouvement syndical se permet impunement de proposer une loi sur le télétravail des malades. L’État UMP, par le mépris et l’humiliation, poursuit sa dessiccation sociale. Et rien ne semble pouvoir le stopper.

Vogelsong – 28 mai 2009 – Paris

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La CFDT va-t-elle refaire une jaunisse ?

Quand on lui demande s’il veut être ministre du Travail, F.Chérèque répond « je suis beaucoup plus utile à la place que j’occupe pour mettre en place les réformes, je peux faire de la pédagogie« . Le secrétaire général de la CFDT est en effet la clef du système syndical français. Par ses renoncements, son inconstance, sa versatilité, ce syndicat de salariés peut transformer une mobilisation sociale en frustrante pantalonnade.

jauneLes manifestations du début de l’année 2009 attendent une concrétisation. Un radical changement de cap dans la politique économique du gouvernement et non un saupoudrage tel qu’il est envisagé. L’année précédente fut un crépitement d’actions sporadiques qui ont fini par exténuer et frustrer les militants. La raison essentielle est la naïveté (feinte) avec laquelle les syndicats ont négocié leur déroute face à N.Sarkozy.
Fidèle à ses habitudes de débandades précoces, la CFDT a d’abord abandonné les cheminots fin 2007 sur les régimes spéciaux après un jour de grève et sans proposition. Minoritaires dans le secteur, le coup est symboliquement rude, mais pas surprenant. F.Chérèque a déclaré avant la présidentielle de 2007 qu’il ne donnait pas de consignes de vote, mais que « ...Sarkozy (lui) a présenté un calendrier pour les réformes et ça (lui) va très bien. On s’y met dès juillet (2007)« . Puis la centrale a pris soigneusement ses distances avec les autres formations comme la CGT, Sud ou FO. F.Chérèque se complait à ponctuer d’un « certes » approbateur les propos des journalistes qui font une nette nuance entre son syndicat réformiste et les autres, archaïques et clos au dialogue. L’ancien interne des hôpitaux est effectivement très ouvert, il affirme en 2007 devant la très patronale Ethic : « Il est nécessaire de faire évoluer le contrat de travail, ne pas opposer la flexibilité à la rigidité« .

Dialogue social et modernité sont le sempiternel credo de la CFDT. C’est aussi celui de J.P.Raffarin ou M.Tatcher. La modernité pour F.Chérèque c’est le contre-temps. Docile quand il faut être pugnace, suiveur dans les situations où il n’a pas le contrôle, comme lors du  combat anti-CPE où les étudiants fournirent l’essentiel de l’effort. Depuis trente ans, la tendance du MEDEF est surtout la férule ; réduction drastique des coûts, délocalisations, management par le stress, saccage du droit du travail, stigmatisation des chômeurs alanguis. En face, la CFDT adopte la posture d’ouverture. Béante. Une attitude curieusement comparable à celle du PS. Par modernisation ces formations ont épousé les gimmicks de managers tels que le « gagnant-gagnant », la gouvernance ou le dialogue social (unilatéral). Un traitement qui a coûté 10 points de PIB au salariat. Et par là même aux comptes sociaux, comme les retraites, chroniquement en déficit. Par le plus pur des hasards, la CFDT en accompagne systématiquement les « réformes » auxquelles elle veut adjoindre une serpillière sociale. Celle de 1995 d’A.Juppé, puis de 2003 de J.P .Raffarin, qui augmentent les périodes de cotisation et baisse le niveau des pensions. À ce stade, il est intéressant de rappeler que la CFDT est un syndicat de salariés revendiquant 800 000 adhérents.

Le sarkozysme comme rupture économique dépasse ses limites. Le ruissellement, théorie basée sur de vieilles lunes économiques (M.Friedmann) fonctionne seulement dans l’esprit rabougri de quelques technocrates à l’UMP ou au Modem.
Dans ce contexte en février 2009, les syndicats ont déclenché une mobilisation inattendue par son ampleur. Posant les bases d’un rapport de force qui contraint le président de la République à lâcher par réflexe de survie les milliards qui étaient introuvables quelques semaines plus tôt. Quotidiennement, dans la gestion de son parti et de son gouvernement, dans les relations qu’il a avec ses concitoyens, c’est par la soumission à la puissance, et à la contrainte que s’en remet systématiquement le chef de l’état. Il ne comprend que le rapport de force. Les syndicats et en particulier la CFDT ne peuvent (feindre) de l’ignorer.

Les acteurs du mouvement social sont dans l’expectative. Après  une allocution chiraquienne du président N.Sarkozy, donnant ad nauseam du « mes chers compatriotes« , le front syndical semble rester uni. Refroidis peut-être par les humiliations récentes, les organisations syndicales maintiennent la pression face au joueur de bonto.

Autrefois autogestionnaire et combative, la CFDT a inscrit le renoncement dans ses pratiques depuis plus de 30 ans. Forcés par l’habitude, après chaque sommet social, les manifestants s’en remettent fébrilement à F.Chérèque pour savoir si comme la dernière fois, ils vont encore se retrouver le pantalon sur les chevilles, après la débâcle de la CFDT .

Nb : Les propos de F.Chérèque sont issus du livre « Riches et presque décomplexés » (Fayard) de J.Cotta

Vogelsong – 20 février 2009 – Paris

Les barons conservateurs (européens) narguent une gauche française masochiste

Devant un parterre hilare, le pitre de l’Élysée fait le show. Le 5 juillet 2008 à la Mutualité, le Président de la République Française, président de tous les français, rameute le parti régimentaire de droite avec des bouffonneries de comique troupier. Pourtant, derrière le masque débonnaire, ce sont les crocs acérés d’une majorité de plus en plus décomplexée, qui s’attaquent directement aux valeurs fondamentales d’une opposition virtuelle.

Lors de son intervention, débarrassé de ses tics nerveux, le césar de l’UMP s’en prend d’abord aux syndicats. Louant les changements profonds de la société française, il se félicite que les français ne s’aperçoivent plus des mouvements sociaux. Le carré d' »aficionados » est en pâmoison. Les costards anthracite vibrent à chaque balourdise du maître. Évidement, les Versaillais s’y était essayés à la mitraille. n.sarkozy, lui, c’est avec doigté et bonhomie qu’il mate les syndicats : flattant la croupe du « Chérèque » ou du « Thibaut ». Du petit électeur réactionnaire pestant le fonctionnaire à l’homme d’affaires « aisé », le service pantagruélique n’oublie personne.
Rappelant les ruades « lepenistes », le « caudillo » carlabruniste évoque la présence de ministres communistes dans les gouvernements de gauche. L’entente « socialo-communiste » chère au borgne de Saint-Cloud est dans les esprits. Au premier rang J.M.D.Barrosso, zélateur libre échangiste européen, est aux anges, incontinent de spasmes rigolards : la France moderne, dans l’Europe moderne est en marche.

On ne se fait pas dépecer en public, avec flashs, micros et caméras, sans raison. Fustigeant le vide idéologique de la gauche, le démocrate P.Devedjian tape niaisement, mais exactement où il faut. Pourtant, il suffit de compulser les contributions du PS, déposées une semaine avant pour s’assurer que des idées existent. Ce n’est pas un problème d’idées, mais d’exposition. Le PS en ordre dispersé livre le citoyen gavé de télévision à l’UMP. Le vide médiatique créé par un parti d’opposition seulement centré sur ses petits problèmes nombrilistes permet à chacun mais surtout aux plus benêts d’affirmer absolument n’importe quoi. Sachant que les journaux, aux ordres ou obséquieux, relaieront sans sourciller. Faute aux médias ou pas, la débandade est patente, et si du grain à moudre il y avait, caméras il y aurait !
On peut être pris de vertiges en voyant le président de la commission européenne apporter son crédit à ce lynchage en règle. Avec quelle force les dirigeants du PS à contresens des aspirations populaires avaient soutenu le TCE en 2005. Avec quelle mollesse ils ont accordé leur blanc-seing au traité de Lisbonne à Versailles. Pour leur rendre la politesse, le technocrate européen se présente là, expectorant en communion avec les barons UMP, à la figure de la gauche Française.
À force de discuter mollement, de se présenter en « réformateurs », les dirigeants syndicaux, humiliés à longueur d’hiver se font aussi piétiner à la Saint Jean. Le souvenir de la lutte acharnée, à mort, des cheminots pour leurs droits à la retraite est très prégnant. L’immense mobilisation des professeurs, cœur de l’électorat socialiste, face aux lois Darcos est aussi dans toutes les mémoires : il n’y a pas de hasard. Le mouvement social en France est repu de défaites isolées, de simulacres de négociations, de désertions. L’atomisation des forces sociales est presque achevée. La droite idéologique peut, aujourd’hui, sereinement plastronner.

C’est en raillant les symboles, les valeurs des luttes qui font la gauche, que le parti de droite extrême continue son œuvre de laminage idéologique. Ouvrage accompli, comme le claironnait il y a peu le très social F.Fillon. Et avec l’assentiment de tous, de tous bords.

vogelsong – Paris – 08 juillet 2008

Syndicats : Une carence en créativité

Le 3 juin, G.Aschieri secrétaire général de la FSU l’admet, X.Darcos et n.sarkozy sont habiles et redoutables. Dans sa croisade anti-syndicale, le gouvernement sarkozy sort très largement vainqueur. La finesse du locataire de l’Elysée n’est sûrement pas la seule explication.

Pour G.Aschieri, le marasme syndical et les faibles mobilisations sont dus aux qualités tactiques des adversaires. B.Thibaut et F.Chérèque ont-ils la même analyse ? Une chose est certaine, pas une fois depuis 13 mois les syndicats n’ont eu le dessus.

Le néant sur les franchises médicales. Sur la revalorisation des traitements dans la fonction publique, F.Fillon n’a pas cédé un pouce. Sur les régimes spéciaux de retraites, nous avons assisté à l’effondrement du mouvement cheminot dont la réputation agitée en épouvantail n’est plus qu’un mythe. En effet, le tigre de papier a perdu la moitié de ses effectifs au soir du premier jour de grève, passant de 70% à 35% avant de s’évanouir définitivement. Une telle mollesse dut même surprendre le gouvernement.

Le mouvement étudiant qui s’opposait au nouveau régime des universités a été lentement euthanasié et expira en décembre. V.Pecresse se pâme encore.

La fronde des lycéens du mois d’avril, n’a suscité aucune réaction. Les adolescents et les professeurs ont occupé les lycées, lancé des mouvements, de guerre lasse, la contestation s’est étiolée.

La réduction des effectifs dans la fonction publique a une fois de plus mis les fonctionnaires dans la rue. La semaine suivante, on battit le pavé contre l’allongement de la durée de cotisation, ils furent entre 400 000 et 700 000.

Fin juin, une autre marche en ordre dispersé est prévue pour montrer son désaccord sur l’équarrissage des 35 heures. B.Thibaut de la CGT rêve d’un million de manifestants. Dans les cénacles, on pouffe en se demandant si un plan diversion pour le 20 heures est vraiment nécessaire.

X.Bertrand le franc ministre du travail, l’a précisé, il n’est pas là pour compter les manifestants mais pour mener à son terme les (contre-)réformes (libérales).

Les propos de G.Aschieri sont atterrants. Ce responsable devrait savoir que lorsque l’on se fait abuser une fois, on peut plaider la malhonnêteté, l’abus de confiance. Mais dès la seconde itération, on doit se remettre sérieusement en question, surtout quand on a la responsabilité des intérêts de centaines de milliers de travailleurs. Le secrétaire de la FSU, n’est qu’un exemple. Les jumeaux “réformateurs” des deux grandes centrales syndicales se retrouvent aujourd’hui tout dépourvu. Après les camouflets de l’automne et du début de l’hiver, ils signent presque guillerets sous la houlette du gouvernement, un texte sur la représentativité. Les autres centrales syndicales, en particulier FO, s’y opposent. Aujourd’hui, X.Bertrand constatant une scission du front syndical, passe à la hussarde un texte qui remet en question les 35 heures. Alors F.Chérèque se fâche “tout jaune”*. A ce niveau, une telle candeur est effarante. On peut même se demander si ce n’est pas volontaire.

Habile et redoutable. Certes. Mais faut-il posséder ces attributs pour jouer du calendrier, des dissensions entre les organisations ? X.Bertrand et n.sarkozy sont-ils des virtuoses de la négociation, des marionnettistes hors pair ? Non. Ils utilisent des artifices éculés. Malgré tout, ils fonctionnent parfaitement. Lors de l’escarmouche sur les régimes spéciaux de retraites, le gouvernement a joué la carte de l’opinion, mettant l’accent sur les privilèges pharaoniques des cheminots. Incapable de fournir un démenti cohérent à ces allégations, le mouvement s’égaillera avec une célérité stupéfiante. Pendant la fronde étudiante, V.Pecresse joua la montre jusqu’aux confiseurs. Très novateur. Même méthode pour les lycéens, où X.Darcos botte en touche jusqu’au Baccalauréat. Vraiment inédit. Les syndicats parleront de responsabilité pour que les épreuves aient lieu. Sur ce, le gouvernement, sur du velours, rajoute le service minimum de garderie. On sent poindre l’humiliation. Les suppressions de postes auront lieu, G.Aschieri ne parle plus aujourd’hui que de résistance dans la durée. Quelle abnégation !

Chants du cygne ? Pour s’opposer aux contre-réformes sur les 35 heures, les centrales syndicales, toujours très inventives, appellent à une journée de manifestation. Cette fois-ci le PS se mobilise. Enfin. On peut sans se tromper dire qu’après cette marche entre République et Bastille, le gouvernement regardera amusé ce petit battage sans aucune incidence.

La “modernisation” a de beaux jours devant elle. Tant que les syndicats ne trouveront pas d’autres méthodes d’actions (non-violentes) pour faire entendre des revendications, ils s’exposeront à l’humiliation du 20 heures. On doit se rendre à l’évidence, la rue n’est plus une solution efficace. Il a fallu plus deux mois et deux millions de personnes pour faire ajourner le CPE. Aujourd’hui, les militants sont exténués et démotivés par la perte isolée de batailles successives.

Ce gouvernement a une image exécrable sur les mesures économiques, selon une étude LH2, 80% des personnes interrogés se disent mécontentes. Incapables de saisir cet état de fait, les syndicats s’enferrent dans la contestation ponctuelle et inefficace. C’est une situation paradoxale, une population exaspérée par la diète qu’on lui inflige, et des syndicats qui mobilisent peu et de moins en moins.

*merci S.Fontenelle

 vogelsong – Paris – 3 juin 2008