Dans une République laïque et punitive

“30 000 expulsions c’est la honte. Il en faut 300 000” – Slogan identitaire.

Caractéristique saillante de la France contemporaine, son incroyable capacité à s’accommoder de “fromage national” comme le darde E. Todd. Une situation qui trouve ses ferments dans l’incapacité des responsables aux affaires à trouver des prises sur le réel. Le réel c’est-à-dire les problèmes massifs qui frappent les citoyens. Au lieu de cela, une certaine facilité consiste à trouver un refuge nauséabond dans des sujets, certes centraux concernant les fondements de la vie en société, mais que l’on jette en place publique comme de fausses pistes dont on sait qu’une meute se plaira à renifler. Une meute dont certains éléments dit de gauche sont facilement identifiables, aux allégations ante vomitifs qui leur tient lieu de préambule “je suis un militant antiraciste, mais…”, “j’ai des amis arabes (ou musulmans c’est selon) mais…”. Parmi ces fausses pistes l’invraisemblable montage médiatique concernant les prières de rue. Précédant une longue liste. Symptomatique d’un air du temps.

Fustigeant la bien-pensance, ou la gauche morale, tout ce qui se fait de “raisonnable” dans ce triste pays a débondé dans l’invective. Dans une décontraction du verbe à propos de la communauté musulmane qui laisse présager d’un avenir, d’un vivre ensemble épineux. Dans un déroulement cinématique limpide, la médiasphère sous l’impulsion de l’extrême droite a fait monter les enchères (dans un contexte déjà bien amorcé par les mèches gouvernementales) sur la menace étrangère. Car de la sortie de M. Le Pen sur l’occupation à la relative clémence médiatique et des pouvoirs publics sur le sujet, jusqu’aux assisses de l’islamisation de l’Europe, tout concourt à la réactivation de réflexes reptiliens. Ceux entretenus depuis maintenant plusieurs années dans un roman national (voire nationaliste), par des templiers du laïcisme jusqu’aux plus xénophobes des identitaires qui déblatèrent sur la dé-sanctification de la République. Dans cette nouvelle posture subversivo-réactionnaire, qui n’a finalement rien de subversive puisque largement partagée au sommet de l’État et dans l’intelligentsia, et finalement plus conservatrice que réactionnaire, puisque se donnant pour terminaison de cristalliser l’essence française dans son infinie pureté.

Une fois n’est pas coutume le quotidien Libération s’est retrouvé en première ligne. Il aura fallu deux semaines d’hystérie médiatique pour que l’on se penche sur les réalités du séisme initié par la représentante du Front National. Car sur le fond de l’affaire, les prières dans les rues, il pourrait se trouver une position commune et “républicaine” à base de “pourquoi”. Au lieu de cela, on assiste à un basculement prosaïque qui confine au simplissime dont se repaissent les fast-thinkers qui inondent l’opinion de leur opinion. En l’occurrence, de la constatation ponctuelle extrêmement minoritaire d’un fait précis, on en arrive à la vertigineuse question, “est-ce que vous toléreriez la présence quotidienne de prières au pied de votre immeuble ?”. Un recodage dont on suppose l’incommensurable amplitude, qui elle-même entraîne la consternante conclusion. En l’espèce, “non c’est intolérable”. Et là, non pas parce que les principes sacro-saints de laïcité sont hardiment bafoués, mais parce que spécifiquement induite par des raisons de convenances. Voire même d’hygiène paysagère. Il est probable que ce sont à ces petits riens que l’on distingue le chavirage d’une société. De l’insouciance due à la certitude dans ses valeurs (liberté et égalité) à l’atterrante paranoïa d’un groupe assiégé quand il ne sent pas infiltré.

Car de ce débat piégé sur la prière de rue, tout est bon pour faire un marchandising de la haine dans une focale médiatique où prospèrent le cliché, mais surtout les conclusions hâtives. Car de faits isolés (il est bon de le répéter), minoritaires au concept massif d’islamisation, la pente est pentue. Très. Surtout pour des esprits raisonnables, rationnels. Pour se véhiculer jusqu’à la culminante conclusion souhaitée (et souhaitable), il est commode d’user de gros concepts, de grosses ficelles, voire de cordes à nœuds. Car au final, d’une sortie Le Peniste, il ne faudra jamais oublier qu’elle fut reprise massivement par les médias. Confinés dans un unanimisme gêné, les propos frontistes donnent le sentiment aux paresseux de la médiasphère de soulever des questions pratiques, qu’il faut absolument traiter sous peine de faire le lit du FN. Une prise d’otage idéologique totalement aboutie. En désemboitant les poupées russes du mépris, on trouve M. Le Pen qui met sur orbite le bloc identitaire, dont I. Rioufol éditorialiste du premier quotidien national donnera un écho pour le moins favorable post symposium (“Je n’y ai vu ni excités, ni intolérants, ni fachos, ni racistes, mais des gens s’inquiétant des abandons de la République sur la laïcité.”) dans une de ses tribunes, et qui par la bande en profitera pour illustrer d’une voix moins bestiale ses allégations par le biais de M. Tribalat*, sociologue…

Enfin, quand un journaliste de RTL interviewe M. Le Pen, c’est encore pour lui parler de laïcité. Mais d’une laïcité particulière. Loin de l’esprit d’ouverture qui habitait la loi de 1905. Quand on s’adresse au leader français du second parti xénophobe, et que l’on croit bon d’endiguer la montée de haines, on cite comme exemple la verbalisation de la conductrice voilée prise en flagrant délit par la maréchaussée, pour affirmer que l’on s’occupe de laïcité dans l’espace public. Une laïcité punitive et sécuritaire. Que l’on administre à coups de contraventions et de lynchage télévisuel. Quand on questionne T. Mariani, autre représentant de la droite des confins sur les musulmans, il convient, propret, que dans sa ville on a construit une mosquée “ressemblant à une villa provençale”. Ivre de sa victoire symbolique sur l’envahisseur qu’il a réussi à camoufler dans le paysage. Mais surtout il oublie les propos de son mentor, l’homme fort, qui au sujet du vote contre les minarets en Suisse déclarait comprendre le mouvement, en évoquant l’aspect dénaturant que causait l’irruption de l’islam dans leur cadre de vie ou les relations sociales…

La laïcité punitive qui émerge en France se caractérise par la mise en place de lois de plus en plus restrictives en direction d’une communauté bien spécifique (voile à l’école, burqa). Par delà se produit une stigmatisation médiatique prétendant pourfendre la bien pensance angélique en exposant de “vrais problèmes”. Des mots d’ordres facilitants qui accompagnent des positions pas tout à fait avouables encore (mais pour combien de temps ?), mais encore punies. L’islamophobie est un vecteur pratique, le discours raciste étant lui l’objet de sanctions pénales. Un cryptage simple qui englobe Arabes, subsahariens, immigrés basanés, athées ou pas. Un second degré qui permet à tous de se retrouver sous les bannières éclatantes du droit des femmes, de la laïcité voire même de la liberté et la tolérance. Derrière les appels à l’expulsion des filles voilées, par exemple, se cache majoritairement une xénophobie plus générale (plus de 80% des cas selon N. Mayer s’appuyant sur un sondage de la commission consultative des droits de l’Homme**). En somme, l’alliance du religieux et de l’ethnique pour légitimer une position politique : Celle du racisme.

*“Plus personne ne parle librement de la question de l’islam sans crainte d’une poursuite ou d’une menace” dans le Talk-Figaro-Orange du 20 décembre 2010. Diffusion titrée sur le site du Figaro : “Le Pen soulève un problème réel

**Là se situe le hic. Que viennent faire les 20% de progressistes qui apportent crédit aux xénophobes dans ce marigot ?

Vogelsong – 23 décembre 2010 – Paris

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Une République en délabrement – #3 Le stade ultime de la corruption – Entretien vidéo de S. Tessier d’ANTICOR

Le conflit d’intérêts banalisé de la République
Le gouvernement qui sert des intérêts autres que l’intérêt général.
Rappel de la gestion sanitaire de la grippe H1N1 par R. Bachelot. Un cas d’école de conflit d’intérêts.
Fraude fiscale et le ministre du Budget E. Woerth dans l’affaire Bettencourt.
La loi sur les jeux en ligne qui favorisent les amis du pouvoir en place.
Un gouvernement qui s’est désarmé face à la fraude fiscale.
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Environnement légal et politique propice aux conflits d’intérêts
Le gouvernement met en place un cadre légal qui pourrait amener la France au niveau de la Russie.
Quel est le seuil de tolérance de la population à la corruption ? Quel impact sur le vote ?
Une société de la débrouille, et le développement de l’économie parallèle.
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La société de la corruption
L’idée de bien public a cédé la place à la société de marché où tout est monnayable. Une société primaire dont les relations s’exercent de dominants à dominés.
Retour sur le prisme médiatique de la corruption qui pointe souvent les corrompus et peu les corrupteurs.
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Le cumul des mandats qui pose un réel problème démocratique. Une approche éthique de l’élu.
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  • L’intégralité de l’éntretien :

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La société de la corruption – SebMusset

Une République en délabrement – #2 La corruption de la démocratie

La corruption est l’affaire de chacun – SarkoFrance

14 juillet – Intox2007

Vogelsong – 15 juillet 2010 – Paris

Une République en délabrement – #2 La corruption de la démocratie

“Dès que l’on met un qualificatif derrière le mot République, il faut s’inquiéter. Soit on est fort sur les principes, soit on les aménage…” S. Tessier à propos de la « République irréprochable » de N. Sarkozy le 12 juillet 2010
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La voix puissante de F. Fillon résonne dans l’hémicycle “Vous avez perdu, la démocratie a gagné”. C’est en ces termes que le premier ministre en 2010 conçoit le jeu démocratique entre les acteurs de la scène politique française. Une dichotomie franche entre les méchants et les gentils. Pourtant, pris au coeur de la tourmente de conflits d’intérêts et de présomption de financements illicites, c’est avec l’assurance des vainqueurs que les politiciens de l’UMP, promus au rang de dictaphones, déversent à l’envi des généralités sur la République. Comme le souligne S. Tessier de l’association « Anticor« , la corruption gangrène la démocratie, et plus que cela elle évoque par des pratiques politiques et culturelles la corruption même de la démocratie.
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Un jour avant la fête nationale, l’association Anticor a remis une lettre dans une enveloppe Kraft aux 577 députés de l’Assemblée nationale. Signifiant à la représentation du peuple qu’ils ne signifiaient plus rien. Ou plus grand-chose. Que devant le discrédit de la classe politique française, il fallait prendre ses responsabilités. Changer. Changer, car le rôle de la représentation nationale ne se borne pas à entériner les petits caprices du gouvernement à l’écoute de seuls intérêts particuliers, mais doit le contrôler dans ses excès. Et ce n’est plus le cas depuis longtemps.
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L’intérêt particulier élevé au rang d’idéologie
C’est probablement ce qu’il restera du sarkozysme, une fois que la poussière des fracas sera retombée. La contemplation d’une société névrosée enfermée dans ses petites turpitudes, ses petites combines où l’autre n’est plus un concitoyen partageant le même espace national, mais un concurrent dangereux à l’impitoyable jeu de la réussite. Où tout se vend, tout s’achète. Car ce qui s’est instillé depuis la prise de pouvoir de la nouvelle génération d’élus UMP constitue une autre de manière d’appréhender le « bien commun ». Non pas par une vision collective du bien public, souvent très différente, voire antagoniste des intérêts privés, mais plutôt une société de la débrouille où les plus nantis s’égayeront à leur gré, laissant les outsiders à leur médiocrité. Ce qui restera de l’ère Sarkozy ce sera ça. Une société recroquevillée et paranoïaque.
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Le règne de l’intérêt privé par les lois
Derrière le discours manichéen, il y a les faits. Le gouvernement de F. Fillon a dispensé les largesses de la République à des intérêts catégoriels, spécifiques qui entraînent de facto un pourrissement de l’idée de démocratie. En pratique depuis son accession, les amis de N. Sarkozy se sont largement goinfrés. Par le biais des normes législatives ou des décisions politiques. Que cela soit sur la libéralisation des jeux d’argent, où l’on apprend que la femme du ministre E. Woerth qui présente la loi d’ouverture des jeux en lignes est liée à la direction du PMU. Un petit exemple de ce que la république fait de plus irréprochable. Dans un autre domaine, la campagne de vaccination menée par R. Bachelot semble s’apparenter plus à du copinage d’officines qu’à une politique de santé publique rigoureuse. Les entrepôts garnis de vaccins l’attestent. Mais plus important, l’orientation générale donnée par le gouvernement sur sa politique économique et sociale. Outre la loi TEPA sensé booster l’économie, le gouvernement a prétendu moderniser le pays et faire face au défi de la mondialisation. Mais plus grave, il finance les délocalisations. Par l’intermédiaire d’aides de l’État jamais soumises à contreparties. Les entreprises détruisent des emplois puis délocalisent. Le centre d’appels « teleperformance »,  par exemple, prestataire de l’Etat français, dégage des bénéfices, dispose d’aides publiques, mais transfère ses emplois au Maroc.
De quel intérêt général s’agit-il ? Un député (quel que soit son bord) peut-il l’expliquer à un honnête citoyen ?
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La France un havre fiscal
La France sous certains aspects peut s’apparenter à un paradis fiscal. Une panoplie de défiscalisation a largement été déployée. Elle l’a été notamment au profit d’une catégorie spécifique de la population. À ce petit jeu, les plus fortunés y trouvent leur compte. Le taux marginal d’imposition peut chuter jusqu’à 25%, c’est-à-dire le taux d’imposition d’un salarié moyen.
D’autre part, la république a procédé à un désarmement unilatéral face à la fraude fiscale. Une fraude qui représente 50 milliards d’euros par an. Une peccadille que F. Baroin préfère ignorer. Concentrant son attention à la fraude aux prestations sociales et à la baisse des aides aux logements étudiants. S’il était besoin de montrer la détermination de la droite pour récupérer l’argent soustrait au fisc, c’est 15 000 postes d’agents qui auront été supprimés sur 10 ans. F. Baroin, le gouvernement Sarkozy n’inverseront pas la tendance.
Alors que l’État n’a plus de ressources, le gouvernement consent depuis une décennie des  avantages de plus en plus grands aux catégories les aisées de la population. Les élus de la république rendent indirectement plus de comptes aux actionnaires qu’aux citoyens.
De quelle démocratie s’agit-il ? De quelle souveraineté populaire parle-t-on ?
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La politique de la démotivation
Mais il semble que la majorité actuelle pense tirer profit du dégout général. Au petit jeu de l’abstention ou de l’émergence du Front national, c’est la droite qui l’emporte. À la fin. Toujours. Par ces pratiques culturelles, le petit monde politique français tend à dépolitiser le débat. Et ce n’est pas un hasard si les représentants de la droite se sont engouffrés dans la récitation des grands principes démocratiques. L’intérêt supérieur se substitue à l’intérêt général. Un intérêt supérieur derrière lequel tout est imaginable. Par exemple, faire rempart au trotskysme ou au fascisme.
En ce sens, le délabrement de l’idée même de République tient en deux grands axes. Servir les intérêts particuliers et les puissances de l’argent, écartant d’un revers de main toute critique, car il ferait le « jeu des extrêmes ». Ce faisant il démotive le citoyen blasé de la chose publique, car tous pourris. D’une pierre deux coups, c’est l’accaparement du pouvoir pour une minorité et la conservation de celui-ci par défaut.
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C’est ensuite au quatrième pouvoir de rentrer en scène. Le lieu de l’information par  lequel peut s’établir un débat sain sur le sens que l’on veut donner à la République. Doit-on accepter d’un commun accord le glissement vers une société d’intérêts privés, où la corruption serait un élément moteur de la dynamique citoyenne ? Faut-il donner un coup d’arrêt aux dérives actuelles et rendre aux citoyens leur capacité de juger ? À la vue des prestations journalistiques, comme celle de D. Pujadas face au président, relevant plus de la manucure que de l’interview à proprement parlé, il est permis de se poser quelques questions sur le sens que prendra le débat. S. Tessier déclarait très sérieusement à la fin d’un entretien “On ne va pas se mentir, on n’est plus en démocratie”.
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Vogelsong – 14 juillet 2010 – Paris

Une république en délabrement #1 – R. Yade, les pieds dans le tapis

“panem et circenses (du pain et des jeux)” Juvénal Ier après J.C.
Le caractère “insignifiant” des affaires qui se succèdent montre l’état particulier de délabrement du débat public, de la politique française. Les petites polémiques ne sont pas nouvelles. Ce qui est frappant, c’est la manière dont elles s’articulent. La manière dont elles se dévoilent, la façon dont les contre-feux sont initiés. De R. Yade à B. Hortefeux, l’oscillation médiatique peut faire passer de la consternation au regard amusé, presque distant. On ne sait plus, on n’arrive plus à distinguer le sérieux du futile, le bon grain de l’ivraie.
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Le brouillage permanent des signaux politiques atteint les limites du compréhensible. Sauf à tout traiter de la même façon, par un mépris blasé. Comment interpréter les propos vaseux d’une ancienne ministre “des droits de l’Homme” reléguée aux strapontins de secrétaire d’État au Sports ? Qui, à l’aube du rendez-vous planétaire footballistique émet des réserves sur la frugalité des demi-dieux du cirque publicitaire global. Elle estimait qu’en temps de crise, il fallait faire preuve “de décence”, trouvant “clinquant le palace” sur la baie que les idoles de « tout un peuple » iront squatter. Curieusement, tout citoyen normalement éduqué devrait trouver ce propos sensé. En d’autres termes, qu’est-ce qui vaut l’investissement de telles ressources pour une activité, certes réjouissante, mais désespérément futile. Pourtant, on est saisi d’un vertige, en se rendant à l’évidence ; cette pauvre potiche raconte n’importe quoi. Emploie les termes d’indécence et de clinquant dans l’environnement économique du printemps 2010, comme si elle saisissait la portée de son intervention. Non pas que ses paroles lors de ses déclarations à l’AFP soient ineptes. L’abbé Pierre aurait pu les tenir… Juste qu’il s’agit d’un glissement complet du principe, simple, de réalité.
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En 2007, N. Sarkozy le patriarche de toute cette génération de politiciens sans complexe a largement exalté les valeurs nationales. Ce petit instinct grégaire qui va se nicher au cœur de tous les hexagonaux. Un petit instinct qui fait d’un paisible père de famille, un animal vociférant devant son poste de télévision lors d’un match des “bleus”. Une partie de cette pulsion qui amène le tranquille citoyen à trouver “normal » les mesures d’extraditions inhumaines des “autres”. Et il faut bien être clair sur ce point. Deux années complètes de quotas “Hortefeux” n’ont suscité ni mouvement d’ampleur, ni mise au pilori de la patrie des droits de l’homme, la France. Ce petit instinct grégaire, qui provoque l’anesthésie presque totale du péquin quand le grand timonier de la nouvelle droite décomplexée insulte l’homme africain, et condamne la repentance de la France. Raccourcis oiseux footballistico-politiques ? Démagogie populiste ?
Probablement pas. La politique, la vie publique s’organise aussi autour de symboles et de valeurs qui donnent une cohérence, une vision du bien public.
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Il suffira qu’une secrétaire d’État au sport, noire, fasse entendre à sa voix pour déclencher un tollé de protestations. Une secrétaire d’État mise sur orbite au regard de ses critères physiques, castée pour masquer la forêt des inégalités “raciales” de ce pays. Pour masquer aussi le ratissage de cinq années de drainage en territoire frontiste.
Une secrétaire d’Etat qui n’avait rien trouvé à redire sur le clinquant des soirées au Fouquet’s. Ni sur l’indécence du bouclier fiscal en pleine tempête économique. Et puisque tout est symbole, elle n’avait rien trouvé à redire à la manière dont le gouvernement Sarkozy (et non Fillon) a passé par pertes et profits la question des droits de l’Homme.
Le football dans tout cela ? Très important. Central même. Une métaphore de tout le fatras républicain. Les smicards qui adulent les milliardaires, dans un environnement totalement “marchéïsé”. Avec quelques voix dissonantes, et bien calibrées, pour donner la sensation de “critique”. C’est aussi un sanctuaire politique temporel qui permet au bulldozer de la droite de souffler.
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R. Yade est hors-jeu quand elle blâme les délires footballistiques. Elle mène une carrière politique sur les valeurs de ce qu’elle dénonce. L’indécence des inégalités, le clinquant d’une oligarchie, soudés par la haine de l’autre, noir et pauvre de préférence, avec l’assentiment de ceux qui restent, blancs et moyennement pauvres si possible. R. Yade veut se placer au centre du terrain politique, sous les projecteurs, avant un évènement sportif planétaire se déroulant en Afrique du Sud. Afin d’exister. Pour cela, elle étale sa morale de camouflage. Nulle et non avenue. Mais R. Yade n’est pas plus à blâmer qu’un autre bouffon qui tente d’exister dans cet environnement déliquescent. Comme R. Bachelot, en service commandé qui va recadrer l’“impudente”. Dans un jeu bien structuré, où la défense des dominants reste le but.
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Vogelsong – 10 juin 2010 – Paris