Haro sur la pensée unique !

“On est en guerre, on est zone de guerre, on a des gens qui tirent sur les flics à l’arme lourde” E. Levy 19 juillet 2010 sur RTL

Quatre années difficiles, mais pas vaines. La France depuis 2007 émerge du purin égalitariste qui la sclérosait. Et cela ne se produit pas sans heurts, l’œuvre est cours d’achèvement. Mais malgré tout, l’hexagone s’est mis sur de bons rails. Caricaturalement la gauche archaïque s’est bornée à geindre sur le retour des valeurs, en ce sens continuant l’œuvre de déstructuration soixante-huitarde du grand roman national, mais sans jamais y apporter la moindre des visions pour le pays. Mis à part un mondialisme débridé égotique et gentillet. Ne sachant s’il fallait s’adonner au libre-échange internationaliste tout en restant focalisé sur les vieilles lunes néo-marxisantes. La France depuis mai 2002 s’est refait une jouvence, renouant avec la grandeur culturelle de ses valeurs, occidentales et chrétiennes. Dans un conservatisme qui place de nouveau l’hexagone sur le chemin de l’Histoire, la grande, celle des peuples.

Devant l’impossibilité de faire plus sur l’économie et le social, avec la crise de 2008 qui a largement amputé les marges de manœuvre, les dirigeants français se sont focalisés sur le fondement, le peuple. Comme le martèle dans ses éditos et sur son blog I. Rioufol, la période actuelle correspond à la résurgence des nations. Un mouvement de fond dans toute l’Europe où les citoyens de chaque pays s’unissent autour du lien ancestral avec la culture, les racines et le pays. Longtemps isolée la pensée conservatrice et réactionnaire a finalement repris sa liberté. Tel un M. Droit démultiplié, le nouvel air du temps permet de donner la parole à E. Zemmour, R. Ménard, E. Levy, E. Brunet et bien d’autres, qui irriguent enfin de leur fraîcheur d’esprit l’univers flasque et culpabilisant des médias sous influence bobos post-mitterrandiens.

Il aura tout de même fallu instaurer un climat pour que tout cela soit possible. Mettre en place une stratégie générale, venant du plus haut sommet de l’État. Une stratégie simple et efficace, dont il faudra rendre grâce, à sa juste mesure, au conseiller présidentiel en clivage national, P. Buisson. Car la France a trouvé dans ce fin lettré, historien de la collaboration horizontale des femmes françaises sous Pétain (dont l’adaptation de l’oeuvre à la télévision est en préparation), un penseur à rebrousse-poil, qui a sorti le pays de sa torpeur bien-pensante. On a pu voir à quel point la France avait soif de débat sur l’identité nationale ainsi que sur la laïcité. Un débat trop longtemps mis sous l’éteignoir d’une caste de gardiens en maintien social. Cette gauche morale, stérile et pontifiante qui ne possède comme seule valeur la destruction des valeurs.

La période aura aussi été l’occasion de porter au pinacle des politiciens courageux, nourris du débat intellectuel suscité par les intellectuels (sus cités) de la nouvelle droite. J. F. Copé qui ne cache pas ses intentions de briguer la plus haute fonction de la République n’a pas hésité lors d’une émission de T. Ardisson à se confronter très hardiment à une adolescente voilée prénommée Dalila. Très didactiquement J. F. Copé exposera les deux problèmes majeurs que pose cet accoutrement religieux, que le visage participe au vivre ensemble dans une société démocratique. Valeurs auxquelles sont très attachés les membres de l’UMP. D’autre part que le visage découvert est nécessaire à la sécurité. Absolue nécessité compte tenu de la période troublée et des risques d’attentats extrémistes. Ébranlée par la conviction de rhéteur UMPiste, la jeune voilée fondra en larmes dans les coulisses. Une victoire, enfin, pour la démocratie.

Mais il reste beaucoup à faire. Sur internet par exemple, bien que les réseaux de la droite nationale soient très actifs, quelques petits donneurs de leçons continuent à servir une soupe tiédasse dans la sphère mainstream. Quelques roitelets désoeuvrés comme Sarkofrance qui scrutent chaque geste du président de la République. Ou autre G. Birenbaum chroniqueur à chemises Lacoste qui assomme chaque jour les lecteurs de sa pensée médiocre. Voir aussi la nuée de blogs post-trotskystes ou islamo-gauchistes qui enkystent le débat sur Internet, tels les sites de SebMusset, Intox2007, Brave patrie ou d’autres piliers de bar gauchistes. Mais cette citadelle bêtifiante n’est pas inexpugnable, d’ailleurs un lent travail de sape a déjà commencé. Sur le plan politique, les idées de droite sont fièrement portées par les représentants de la I-riposte qui quotidiennement remettent de l’ordre dans le salmigondis des critiques gauchistes. Médiatiquement avec l’avènement du site Atlantico, authentiquement libéral et conservateur, la libre parole dispose (enfin) grâce à ses fines plumes d’un espace ouvert qui permet l’émergence du débat de société sur d’autres bases que celle qu’une petite confrérie issue du cercle de la raison.

Pour que la France entre dans un autre âge, celui de la modernité, il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Occuper l’espace de la pensée, des médias pour atteindre les objectifs supérieurs pour le pays. 2012 doit être une confirmation du virage pris par le pays en 2007. Puis en ligne de mire 2017, avec très probablement J. F. Copé comme président. Qui résonnerait comme la victoire définitive de la pensée sur la paresse, de la volonté sur la mollesse.

Vogelsong – 1er Avril 2011 – Paris

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L’opinion opine #2 – Une course de bourrins

“La difficulté essentielle vient de ce qu’il est devenu impossible de faire des estimations fiables trois semaines avant le vote, parce que les électeurs changent d’avis au dernier moment.” S. Rozès, Le Monde 13 janvier 2002

G. Gallup l’a annoncé en 1949 après le fiasco des prédictions donnant T. Dewey vainqueur face à H. Truman, “une armée entière de critique ne saurait l’arrêter”. Soixante ans plus tard, le gourou du sondage d’opinion, celui qui prédit en 1936 l’élection de F. Roosevelt, ne s’est pas trompé. Non pas qu’une armée de critiques se soit évertuée à démonter la mécanique du sondage, mais son avènement comme élément indispensable au commentaire politique, à l’élection même dans les démocraties ne peut plus être discuté. Une domination telle que tous les acteurs politiques s’abreuvent au flux continu des enquêtes d’opinion, des simulations de scrutins, des baromètres et autres palmarès. À gauche la pléthore de prétendants est une aubaine pour les entreprises de sondages. Une popularité freudienne synonyme de finale présidentielle. À droite c’est le pilotage à vue. On sonde, puis on annonce. Puis on re-sonde. Pour savoir si on peut pousser plus loin. Enfin, la simulation du meilleur candidat face à N. Sarkozy devient le pivot de l’analyse. Une analyse à deux variables et sans programme.

Monopole de l’expression

Par leur omniprésence les études d’opinion monopolisent la parole. Plus un sujet, plus une question n’échappe à l’approche “scientifique” de l’étude chiffrée*. Une mise en boite de la pensée humaine. Bien rangée. Les instituts mandatés soumettent des questions qui n’intéressent que ceux qui les posent. Une fois récoltées, elles font foi face à l’“opinion” qui est censée y avoir répondu : “On vous a demandé, vous avez dit”. En d’autres termes, les questions n’ont pas la même importance pour les citoyens interrogés. Demander un avis par exemple, sur la probable candidature de F. Hollande aux primaires socialistes à un individu a ou b relève de l’imposition problématique. Il pourrait (par ex a) être très intéressé par ce cas de figure, alors qu’un autre (b) y répondrait par défaut avec une implication lointaine, voire un désintérêt poli. A la fin tout se vaut dans le simulacre chiffré, quantifié qui sert de support (sérieux) aux commentaires politiques.

Dépolitisation du débat

À gauche. Des commentaires qui ne s’attachent plus au fond, mais aux personnes. Une sorte de quintessence de la dépolitisation. Même si le projet doit s’incarner, ce type de pratique met en avant les personnalités sans qu’il n’y ait le début d’un embryon programmatique. L’exemple du Parti socialiste, avec ses primaires qui fait la joie des officines de sondages. Chacun y mesure sa capacité à représenter le parti. La tête de gondole d’un rayon non achalandé. Au PS on a décidé de choisir les Hommes d’abord, de réfléchir à changer la société ensuite. Dans cette perspective le sondage constitue l’auxiliaire zélé de cette course à vide. Une course de bourrins dont les écuries ne se préoccupent plus vraiment des problématiques sociales. Au PS on s’occupe comme on peut, mais surtout on occupe les militants.

À droite. La question du leadership parait tranchée, il n’en demeure pas moins que les études occupent une place privilégiée. Le seul lien qui relie le président au peuple, la politique au citoyen. Le sondage élevé au rang de pratique permanente, d’un benchmark perpétuel dont l’objectif n’est pas, comme il est prétendu, de scruter les désirs de l’homme de la rue (depuis longtemps désaffecté de la chose publique), mais de lui prouver que les dispositions prises sont en accord avec ses vagues attentes. Un processus de validation sans débat des options gouvernementales. Dans le cas du discours de Grenoble, il est probable que des enquêtes antérieures au discours du président sur la thématique de stigmatisation des Roms aient rendu un verdict positif. Couplé à l’envie de cliver fort, d’une presse quasiment acquise, la pièce put être jouée. L’épilogue est plus complexe à analyser. Marianne produit des contre sondages moins probants pour le pouvoir. Mais finalement, personne ne sait réellement ce que pense la population de cette question. En pense-t-elle quelque chose ? En a-t-elle plus qu’une opinion ? Un avis, structuré sur la question. Une charpente intellectuelle qui permettrait d’argumenter.

Courses de chevaux

La cote de popularité et autres baromètres servis chaque semaine forment une panoplie d’indicateurs mous, non vérifiables, intégralement subjectifs, mais au dire de responsables politiques, incontournables. Y figurer est un honneur, s’y maintenir une consécration. R. Cayrol narre les sollicitations d’un politicien empressé de figurer au palmarès : “Je me souviens de ces coups de téléphones répétés d’un membre du gouvernement qui voulait qu’on l’introduise dans le baromètre…”. Ces petites compétitions s’avèrent être un excellent “défouloir” pour les écuries partisanes. Occuper l’espace, sans politiser. Exister et ne rien faire.

Mais plus fortes encore sont les simulations de seconds tours. Marianne (encore lui) se targue d’avoir mis en place les tests présidentiels à multiples duels et dont les compétiteurs ne faisaient pas partie des favoris. De manière à faire ressortir la finale “idéale”, ou surprise. Une sorte de masturbation électorale sans aucun intérêt. Une finale qui souvent se joue (dit-on aussi) trois jours avant le scrutin du 2nd tour dans la grande messe du débat. Pourtant deux années avant les échéances, les instituts testent toutes les probabilités de joutes virtuelles. Actuellement on teste une variante, avec N. Sarkozy face à une kyrielle de prétendants potentiels. Bien que l’on ait une vague idée du programme présidentiel de N. Sarkozy, on ne sait rien des propositions et contre-propositions qui noueront la campagne. Comme il l’est précisé plus haut, encore une fois les personnalités prennent le pas sur les enjeux.

Accaparer l’attention, fixer les commentaires, les sondages y parviennent à merveille. Les médias dissipent une énergie monumentale pour mettre en avant, commenter, décortiquer les études d’opinion. Études livrées par des officines marketing dont la principale activité consiste (non pas à sonder les électeurs, mais) à faire des tests sur des produits de consommation. Pour vendre des besoins à des clients qui n’y auraient jamais pensé. A leur tête de nouveaux scientifiques qui auscultent l’opinion. Avec un blase ronflant, “politologues”. Ils font le tour des plateaux, y étalent un savoir diffus. Experts en opinion. Une opinion, qui comme le disait P. Bourdieu, n’existe pas. Spécialiste en pas grand-chose, businessman du vide.

*Pour constituer un échantillon de 1 000 réponses, les instituts de sondages effectuent en 20 000 contacts, 100 coups de téléphone pour 5 résultats.

Vogelsong – 27 septembre 2010 – Paris

Le journalisme dans de sales draps

Selon une étude TNS le crédit de la presse en France est constant, tandis que 66% des personnes interrogées doute de l’indépendance des journalistes. Une étude sur la presse, commentée par la presse ne peut déboucher sur une quelconque remise en question. Plutôt un résultat mi-chèvre mi-chou. La presse se regarde, s’admire presque. Mais la défiance est là. De la tempête dans un microcosme du cas A. Chabot et N. Saint-Criq, à la l’humiliation des reporters de guerres par le pouvoir jusqu’aux USA qui innovent par la glorification des reporters par les reporters, le journalisme est dans de salles draps.

Bouffi de colère, raidi, les bras croisés, A. Duhamel tance V. Peillon qui a l’outrecuidance de les traiter, lui et les siens de menteurs. La scène se passe sur le plateau de Canal Plus, où le député socialiste, devant une cour pénale auto constituée est sommé de s’expliquer sur son incartade. La déviance reprochée : avoir laissé A. Chabot seule dans son marigot avec M. Le Pen et E. Besson. Le message est clair, dans le monde médiatique la bienséance est de mise et on ne pose pas de lapin aux journalistes. Sous peine de subir les foudres de la profession. Sur le plateau de « La ligne jaune » quelques jours plus tard, B. Roger-Petit ancien journaliste lâche ce que tout le monde sait déjà, dans le microcosme. N. Saint-Criq rédactrice en chef de l’émission d’A. Chabot est la belle-sœur d’A. Duhamel. Ça, c’est interdit ! La ligne jaune est franchie. Les petites turpitudes (intra) corporation ne doivent pas sortir du sérail. Sous peine de braquer le téléspectateur, l’auditeur ou le consommateur de sensations fortes médiatiques comme un débat d’extrême droite. À propos de la révélation de B. Roger-Petit, P. Galvi ivre de rage déclame « ne critiquez pas les gens pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font, vous jetez la suspicion… ». G. Birenbaum tient un scoop. Présents sur le plateau, des journalistes dont G. Roquette de Valeurs Actuelles qui ne trouvera rien à redire à cette affirmation pétrie de bon sens sauf… Sauf que son magazine se positionne sur un créneau ultra conservateur qui dresse inlassablement des portraits hagiographiques d’aristocrates, de nantis, de rentiers qui ne sont là que parce qu’ils sont. Plus largement, si les médias ne traitaient que des acteurs (des vrais), ceux qui « font », les pages quotidiennes seraient vides de célébrités*. Aucun ministre ne trouverait d’espace pour décrire ce qu’ils simulent. Parler des gens pour ce qu’il font et non pour ce qu’ils sont c’est exactement ce que la presse ne fait pas.

Dans la petite aristocratie médiatique, les vicissitudes personnelles, les copinages ne s’étalent pas. La crédibilité de la corporation en dépend. Cette règle s’efface dès lors que cela ne touche plus au microcosme. Les secrets intouchables qui bruissent dans les coursives des buildings de verre sont soigneusement calfeutrés. Par contre, il est permis de se lâcher, sur les gueux, les concubines, les taulards.

Plus loufoques encore, la piétaille, les tricards, les forçats se gardent bien de divulguer les petites historiettes salaces. Les fantassins de la corporation jappent à l’unisson pour défendre leur « intégrité » dès que l’on égratigne un des nababs. Dans une sorte de crispation pavlovienne. Pur réflexe grégaire. Une partie d’entre-deux même, pitoyable, rêvant peut-être du califat se forment en phalanges pour protéger leurs généraux A. Chabot, A. Duhamel, P. Val, C. Barbier…

La même semaine, C. Guéant, bouche sévère de N. Sarkozy, s’essuie les godillots sur la corporation. En visant plus particulièrement les reporters de guerre. La prise d’otages de deux journalistes de France 2 met le gouvernement face à la problématique de son engagement militaire. Mais plus largement, quand il reste encore quelques fondus de reportage pour fouiner en zone de conflit, et ramener un autre point de vue que celui distillé parle service de presse des armées, ou les dépêches de l’AFP recopiée du ministère de la Défense, la présidence se fâche. Le ménage est fait en France, le journalisme circulaire bat son plein, l’information fossilisée et verrouillée s’impose comme denrée commune. Le milieu s’est sclérosé. Peut-être que la presse put un jour faire démissionner un politicien crasseux ? Aujourd’hui, ces mêmes politiciens promeuvent, débauchent, manipulent. Affaire récente, le cas J. Dray où ce n’est pas la pugnacité journalistique qui met au jour un (faux) détournement d’argent, mais une trahison interne au PS manœuvrée par le ministère du Budget. Les reporters n’y sont pour rien, sauf en dernier recours pour appuyer et faire sortir le gras.

La liberté de la presse est un principe constitutif de la démocratie. Servi par cette continuelle auto promotion, la corporation ne se remet pas en cause malgré la défiance qu’elle suscite. Mieux, elle réussit même des opérations marketing inattendues. Dans l’enfer haïtien, les journalistes américains versent dans l’information émotionnelle par la glorification du métier. Les reporters sauveteurs tournent en boucle sur les networks US. Ces parangons, encore capables de partir en zone dévastée, de rendre compte et même certaines fois, de porter assistance à leurs semblables n’ont plus le courage de couper la caméra pour éviter de se raconter. Une saisissante parabole sur l’impuissance des démocraties narcissiques qui tergiversent depuis des décennies devant la situation inhumaine d’Haïti, et qui se mobilise bruyamment après un tremblement de terre dévastateur. Le journalisme est devenu un œil malsain, incapable de transformer le monde, seulement rompu à en contempler ces abjections et à essayer de les rendre acceptables.

*sens large, politicien, éditorialiste multicarte, acteur, chanteur et professionnels des médias

Vogelsong – 20 janvier 2010 – Paris

– La ligne j@une – Mais quelle ligne jaune a pu franchir V. Peillon

Pearltrees – Changer l’Histoire, sans la modifier

Éditer le web, rien que ça ! Encapsuler des fragments d’Internet, les organiser, les partager, leur donner du sens. Pearltrees, entreprise du net installée à Paris réussit ce pari. Mais Pearltrees c’est aussi une éthique, une approche participative et démocratique en son sein comme avec ses utilisateurs. P. Lamothe CEO, ambitieux et juste assez idéaliste, pour toucher aux buts aborde aussi son projet comme une expérience politique et médiatique. Dans ce cadre, ses réponses loin des poncifs californiens sont une réelle bouffée d’oxygène.

Loin des gesticulations nombrilistes, P. Lamothe aborde posément les questions économiques relatives à la concurrence, aux cotisations sur les salaires et à la gestion interne. Première surprise, à contre-courant des flagellations hexagonales habituelles, il loue le talent et la créativité du net français concentré à Paris. Il existe un microcosme dans la capitale propice au développement.  Les meilleurs créatifs, capables de penser des ergonomies futuristes y sont regroupés. Mais sévissent aussi les plus brillants mathématiciens (en général masculins) rompus aux codages d’algorithmes complexes.

Il écarte rapidement les lourdeurs financières du marché du travail français. L’équation économique d’une start-up se résout par la prolificité et la faculté d’innover. Ergoter sur le coût du travail n’a pas de sens quand on évolue dans un environnement foisonnant comme les nouvelles technologies. Dans ce registre, il ne s’alarme pas d’une possible concurrence « à bas coûts » de Pearltrees-like qui ne manqueront pas d’émerger. Il martèle que, de la capacité d’adaptation et de création résultera la différence, pas des charges sociales.

De plus, le cadre légal français, souvent dépeint comme contraignant, voire stérilisant n’est pas pour le patron de Pearltrees une source d’angoisses. Il précise même plutôt goguenard que tous les outils légaux sont disponibles pour permettre une gestion de l’activité. Un vrai discours de rupture. Mais la pratique l’est aussi. Le turn-over tant loué par les expatriés ne semble pas être un objectif, ni une habitude. Au fil des échanges, il met l’accent sur la motivation, la participation des salariés. Pas fasciné par les théories managériales, il préfère une approche consensuelle de la prise de décision, « le management, je ne sais pas ce que sais, je l’ai étudié une année, et personne n’a su me l’expliquer« . Il privilégie un fonctionnement interne axé sur la collaboration. Il ne cache pas non plus que Pearltrees connaît ses moments de tensions, ses crises, et dans ces cas il tranche. Il affirme aussi comme une évidence, la « démocratie » est une problématique forte, mais pas une finalité. Question de survie.

La communauté est en croissance constante (+30% par mois). La start-up parisienne a fait le tour du monde, et s’implante fortement aux USA où le nombre d’utilisateurs a rapidement atteint celui de la France. Avec un niveau de pratique mature. De bon augure. Car compte tenu de la taille du marché, c’est bien là-bas que peut se réaliser le coup décisif. Le modèle économique repose sur la  » valeur utilisateur ». Contrairement aux sites d’informations, la récurrence des visites sur Pearltrees décuple l’impact et la valorisation de son espace.

Les questions éthiques traversent le net. L’émergence de réseaux sociaux, espaces où les utilisateurs sont à la source du contenu, soulève des questions de protection de la vie privée. C’est évidemment le cas pour Pearltrees. Depuis le début du projet, l’équipe gère en totale transparence ces aspects. Le web comme espace ouvert et participatif est la clef de voûte du projet d’édition pensé par P. Lamothe et son équipe. L’utilisateur est responsable de ce qu’il place dans ses perles. L’ouverture prochaine à des API (Application Programming Interface) permettra, comme sur Twitter, d’aborder l’ensemble de l’interface pour y analyser les données. Bien que cette collecte soit « problématique », elle reste dans les standards des autres réseaux sociaux. La question cruciale concerne la responsabilisation des utilisateurs sur ce qu’ils mettent en ligne les concernant. Par contre, la zone privée de Pearltrees (en développement) disposera de serveurs sécurisés. P. Lamothe affirme que la sûreté des données privées est primordiale. Il propose en ultime recours, si l’environnement hexagonal ne donne pas satisfaction, d’installer des machines en Belgique ou ailleurs.

Il n’y a pas de censure, ni de contrôle sur le contenu de Pearltrees, quelle que soit la thématique des perles. Bien qu’en profond désaccord avec certains sujets, le staff n’intervient jamais. L’approche est similaire pour des informations notoirement erronées. P. Lamothe rétorque que les inepties sont légions sur le net et dans la presse. Pourquoi pas dans Pearltrees ? Toutes les idées ont le droit d’être exposées et l’essentiel est de pouvoir en débattre ouvertement.

Quand on aborde la question de l’échange de fichiers, il a la dent dure contre les instigateurs d’HADOPI. Il faut « pardonner » à des gens qui légifèrent sans connaître l’Internet, ni ses usages. Le partage est un droit, comme celui de regarder la TV. Il est conscient que ces gesticulations n’ont d’intérêts que pour les sociétés gestionnaires de droits, il fait remarquer, un brin amusé, que P. Bruel s’était plaint, pas Mozart.

Pearltrees est un média participatif. Dans un univers sclérosé où une petite minorité fabrique l’information et la diffuse, la vraie révolution poindrait d’une nouvelle pratique. Issue d’une interface qui permettrait de démocratiser la construction médiatique. Dans le flux constant d’informations qui s’évaporent, Pearltrees capte les éléments saillants, les mémorise. Quoi de plus efficace pour collecter des éléments pour forger un argumentaire fracassant issu des articles de presse, des billets blogs ? Il est alors un outil politique, un outil de diffusion d’idées et de débats. L’agencement des perles ouvre des schémas pouvant aller de « l’encyclopédie » (des dizaines de perles structurées avec méthodologie) au « tract » (quatre perles argumentaires).

Utiliser Pearltrees, c’est participer à la structuration des évènements, au lieu d’écouter une élite engoncée les déclamer. P. Lamothe lucide sur les lourdeurs de l’environnement médiatique, caresse ce dessein. En ce sens, il mène un projet politique. Il donne des instruments de contre-pouvoirs à tous les utilisateurs du net. Il propose à chacun d’éditer, d’agencer, de partager. Et de changer l’Histoire, sans la modifier

Pearltrees n’est pas un objet à vocation politique unique. Les perles de toutes sortes y foisonnent au gré des humeurs : bandes dessinées, musique, cuisine, voyages, architecture, bonnes ou mauvaises blagues. Pourtant, la création de perles regroupant par thèmes, par exemple, la production quotidienne de Juan de Sarkofrance, les chroniques de guerre de SebMusset constituerait des objets politiques utiles pour comprendre et analyser la situation dans laquelle la France est plongée. Et peut être en sortir.

Interview de P. Lamothe

Vogelsong – 8 décembre 2009 – Paris

Tousser trois fois

La presse française est malade et prend le bouillon. Au théâtre de la Colline, les journalistes émettent des poussées stridulantes concernant leurs conditions.

42-17770243R.Ménard, le pitre de RSF affirmait en 2007 que « N.Sarkozy n’était pas un problème pour la presse ». C’est donc une profession frappée d’amnésie qui feint de se serrer les coudes. En 2007, quasi unanimement, elle présente la candidature de N.Sarkozy comme une option de droite. En effet, les grands quotidiens fustigent la diabolisation du chef de l’UMP. Entre S.Royal et le gesticulant ministre de l’intérieur, ce n’est rien d’autre qu’un bon vieux débat centro-bipolaire. Quand Marianne, la feuille de chou bayrouiste, publie un numéro assassin sur le surexcité du ministère de la police, on affuble l’hebdomadaire de subjectivité caricaturale. La volée de bois vert arrive de toutes parts, de tous bords. La presse dans son ensemble tient son duel Royal/Sarkozy et ne veut pas le lâcher. Libération, tiédasse tâcheron de la presse bobo sponsorisé par Armani et Channel, entretien ce voluptueux débat. Soutenant la candidate de gauche du bout des colonnes, critiquant le spasmodique poulain de TF1 avec une fine modération. Le Monde tire à boulets rouges sur F.Bayrou le prétendu centriste alors qu’il est le vrai candidat de la droite classique. Il est clair que derrière le discours mielleux du béarnais s’embusque une politique économique clairement à droite. L’approche sociétale est juste libérale, on ne peut lui demander moins. Le positionnement du Figaro ne mérite sûrement pas que l’on s’y attarde. En manque de journalistes car tous recasés dans la publi-information ou la retouche photographique, le quotidien à la botte du vendeur d’armes S.Dassault joue les pom-pom girls de la réaction depuis déjà quelques années et n’est plus à proprement parlé un journal d’information.
Économiquement, N.Sarkozy est le parfait bourrin. Le tirage papier en témoigne. Pas question de ronger les marges d’une presse déjà largement sinistrée. Tout le monde va bon gré mal gré à la gamelle.

Un cycle et deux fouilles rectales plus tard, des couinements aigus montent du théâtre de la Colline. Les amblyopes d’hier ont eu la révélation. La presse serait au bord du collapsus. La liberté d’écrire et de diffuser serait en danger en France. Diantre ! Étreinte par l’État UMP. Vaste blague et coups de bambous mérités.
Le happening de pleureuses se tiendra sous la houlette de J.M.Ribes. Ce même clown qui servit de monsieur loyal à la présentation de l’apocalyptique rapport Attali offert à N.Sarkozy pour « libérer » la croissance. Certains ont une mémoire de poisson rouge.
Participeront à ce cocktail d’initiés une brochette de zélateurs de la pensée molle capables de dire tout et son contraire, dont P.Rosenvallon phare de la gauche « moderne » est un digne représentant. Le grand instigateur est E.Plenel qui a découvert il y a peu la presse alternative et la posture d’opposant. Pour lui le réveil est brutal car sous F.Mitterrand, ce n’était sûrement pas facile mais plus simple. Viendront se joindre aux  gémissements des hommes politiques plutôt de gauche (B.Hamon, P.Braouzec), et la droite classique et Villepiniste (F.Bayrou, H.Mariton). Étrange attelage de ceux qui ne réussissent plus à convaincre, et de ceux qui se sentent muselés au sein de leur potentat.

Les observateurs étrangers en témoignent, la presse française c’est le stade médiéval de l’information. Par sa structure, la plupart des journaux sont aux griffes de puissants industriels (armements, BTP, finance). Par ses pratiques de connivences. Par la teneur de ses analyses (voir par exemple toute l’œuvre de J.M.Colombani) et surtout par sa paresse (information circulaire).

Une once de clairvoyance aurait permis d’anticiper le mélange détonnant de l’après mai 2007. Aujourd’hui la profession et surtout ses dirigeants jouent les ébahis, les catastrophés. Mais ils savaient, pertinemment. S.Royal ou N.Sarkozy n’étaient pas des options équivalentes pour les libertés. Cette presse fondue dans le sarkozysme donne la France de 2008 (et d’après). Celle qui penchée la tête en bas, les fondements aux vents doit tousser trois fois sous l’œil inquisiteur et amusé de la maréchaussée.

Vogelsong – 12 décembre 2008 – Paris