Du pitoyable récit européiste à l’injonction de voter

« L’Europe a été notre ajustement structurel » Jean Pisani-Ferry (cercle des économistes) dans le Figaro en mars 2005 

L’Union Européenne c’est l’Europe. Ni plus ni moins. Par un étrange tour de passe-passe, les professionnels du marketing politique, bien aidés par les répétiteurs médiatiques, ont gravé l’idée qu’un assemblage économique hétéroclite faisait entité politique. Or ce récit, aussi peaufiné soit-il par les agences de communication, s’avère pitoyable quand il entre en collision avec le réel. Le bernardguettisme (♠) a ceci de prodigieux, et cela vaut pour tous ses avatars dont le jeanquatremerisme, c’est qu’il fait fi de la pesanteur des contingences du monde élémentaire. Il est le révélateur de deux univers, ceux qui vivent de la politique et ceux qui la vivent.

Les éléments du récit

11097694376_efa448cd88_zCe pitoyable récit comporte deux volets. L’un emphatique à base de paix et d’harmonie des peuples, dont les réalisations sont difficiles à évaluer. Si ce n’est pour évoquer les prodiges d’Erasmus, un échange d’étudiants qui a même donné lieu à un film, ou l’incroyable vertige de pouvoir passer la frontière avec la même monnaie en poche. Deux éléments qui sont pour le vulgaire péquin (hermétique aux grandeurs du projet), vivant avec un salaire médian juste autour de 1 500 € (1 675 € brut) sont d’une cruciale utilité. Autant le dire d’emblée, Erasmus ou tout autre dispositif d’échange aurait pu exister sans l’entité économique européenne. Quant à la monnaie unique, le vertige du passage de frontière sans passer au bureau de change s’avère d’un coût autrement plus important quand il s’agit d’appliquer des dévaluations internes, c’est-à-dire des baisses de salaires qui permettent d’être compétitifs.

Et c’est là que ça se raidit. Précisément. Parce qu’à côté de ce volet tout en couleurs, que l’on ressort, et c’est sa spécificité, notons-le, avant chaque scrutin, le dégoisement massif sur l’UE, c’est l’entêtante symphonie des obligations économiques. Ces prescriptions granitiques ayant valeur supra constitutionnelle et dont il n’est à aucun moment sujet de discussion, d’appréciation et encore moins de modifications. Ces sempiternelles locutions à base de « réforme », «  déficit », « compétitivité » et autres jacasseries que l’on colle dans la bouche des politiciens, experts et autres demi-journalistes (♣). 

Il suffit d’imaginer ce que peut provoquer sur le corps social d’un pays ce que les technocrates européens nomment pudiquement « pacte de stabilité et de croissance », pour avoir une idée de la déconsidération des institutions et de leurs représentants. La physique européenne est d’une étonnante simplicité. Le discrédit électoral n’est que le résultat d’un système sourd qui avance vaille que vaille en faisant subir aux citoyens de chaque pays européen (en particulier ceux du sud du continent) des pressions telles qu’il s’ensuit un discrédit encore plus important ensuite.

La double violence du vote

Or le carburant de ce système ordoliberal c’est le vote. Sa légitimation. Il est intéressant de noter que ceux qui exhortent au vote sont ceux qui fréquentent les locaux ouatés des institutions européennes et qui perçoivent un salaire pour ça. C’est à dire, experts, journalistes, et (futurs) élus. Ils ont besoin d’éteindre l’incendie du discrédit en avançant l’impérieuse obligation de se rendre aux urnes. Non pas qu’il soit mal de voter, bien au contraire, c’est l’un des piliers de la démocratie. Mais avant de s’exécuter comme bon citoyen, il faut avoir une idée précise des règles du jeu et du système politique, mais surtout économique engendré. A qui cela profite en somme !

On ne va pas tourner autour du pot pendant cent cinq ans, quelle que soit la majorité centrifuge qui sortira des élections européennes la pression ordolibérale ira crescendo. L’histoire en atteste. Et les promesses d’Europe Sociale datent. Et il faut avoir un sacré sens de la nuance pour distinguer les différences entre sociodémocrates (le parti « socialiste ») ou libéraux populaires (Union pour un Mouvement Populaire). Surtout quand on les voit à l’œuvre dans les pays de l’UE (♥).

Promettre les larmes et la souffrance à toute une génération pour conserver des indicateurs financiers conformes aux désirs de la finance ne constitue pas en soi un récit politique. Il n’a à proprement parler aucune résonance pour l’immense majorité de la population accaparée par les problématiques salariales, éducatives, et de précarités. 

Or l’injonction à voter, et donc légitimer sa propre mise au carcan relève d’une violence que les experts bénéficiant d’un salaire à 6 chiffres ne peuvent intégrer. Avec en sus, la remise aux calendes grecques des promesses électorales à objet social. L’électeur va de trahisons en trahisons, d’élection en élection. Tout ce qui est entrepris politiquement aujourd’hui, au nom de l’UE (ou pas), se fait au détriment des dominés et ce malgré les professions de foi des partis (de gauche qui gouvernent).

Alors, il ne faudra pas s’étonner, finalement, qu’une partie du corps électoral envoie tout ce barnum au diable. En ne se déplaçant pas ou en votant mal. Il est fort probable que les électeurs feront n’importe quoi avec leur bulletin aussi longtemps que les politiciens feront n’importe quoi avec leur vie (♦).

(♠) Le théorème de Guetta établit par P. Rimbert pose 3 principes intangibles :  toute réussite s’explique par l’Europe ; tout échec est imputable au manque d’Europe ; toute réussite et tout échec appellent davantage d’Europe.

(♣) Voir le chapitre 1er de « La malfaçon » de F. Lordon où sont longuement et didactiquement détaillées les impasses du modèle économique européen.

(♥) F. Lordon met exergue que même quand les astres européens sont propices, c’est à dire que des gouvernements « de gauche » sont aux commandes dans une majorités de pays européens, d’Europe sociale il n’y a pas.

(♦) A ce propos, il sera intéressant de voir à moyen terme les ravages qu’auront produit les reniements (les trahisons ?) du candidat F. Hollande sur la partie gauche du corps électoral.

Vogelsong – 20 mai 2014 – Paris 

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La gauche adversaire

« Non. Quittons l’idée que la misère est fatale. Oui, elle est l’oeuvre des hommes et les hommes peuvent la détruire. » Bruno Tardieu d’ATD Quart Monde

«  il faut aller vers davantage de flexibilité, et vers des boulots qui ne sont pas forcément payés au smic. » Pascal Lamy Socialiste

Il n’était pas attendu de François Hollande, candidat de la gauche au second tour de l’élection présidentielle de 2012, qu’il mette en place une république sociale et égalitaire. En lorgnant sur la trajectoire politique du socialiste, il était net que son cheminement ne le conduirait pas (et le pays avec lui) vers un modèle de société (plus) collective, (plus) solidaire. Or d’où vient l’immense déception de ce quinquennat ? De quel bois serait fait ce nouveau socialisme issu d’un dol politique probablement inédit ?

politique PS Manuel VallsLa réponse parait assez claire. Elle vient du fait que François Hollande et le cénacle de professionnels de la gestion politique qui l’entoure poussent le corps social (qui recouvre le corps électoral) loin dans ses retranchements. Il a pris le pari que toutes les valeurs que l’on pouvait attendre d’un homme de gauche s’avéraient aujourd’hui caduques. Il a fait sienne chacune des propositions servies par la pensée dominante depuis le début des années 80. Celle des Alain Minc et autres ersatz de penseurs médiatiques plus ou moins recommandables.  Dont le récit politique tourne autour du paiement d’une dette et de la compétitivité et pour seul horizon la bagarre du tous contre tous.

On pouvait raisonnablement attendre quelque chose du changement, après l’interminable moment sarkozyste. De petits riens, comme un statu quo en matière de régression sociale, l’abandon de l’hystérie patronale pour revenir à de rapports plus sains entre pouvoir politique et pouvoir capitalistique. Enfin et peut être le plus important, admettre que les dysfonctionnements de la société, comme la misère, le chômage, l’exclusion sont dus à la volonté et aux actes de certains au détriment d’autres. Et non pas à un ordre spontané s’abattant impitoyablement sur les moins compétents ou capables.

Rien de tout cela n’a eu lieu. La gauche qui gouverne s’attèle à pérenniser une vision et une organisation sociale prédatrice. Sans en atténuer les conséquences. La social-démocratie version 2014 est un instrument politique tout aussi brutal que le sarkozysme ou le balladurisme. Il fait fi des rapports de classes, de domination, de la misère mais surtout des causes. Le socialisme de 2014 a intégré la dépersonnification des conséquences du système économique. Comme ses successeurs souvent de droite, la masse informe appelée population (ou les échéant électeurs) constitue un adversaire qu’il faut au mieux dresser, (ou) au pire gérer. 

On attendait une trêve, une respiration en élisant un socialiste. La France s’est parée d’un quarteron de belliqueux totalement rangés derrière la grande idée de guerre économique. Ils ont décidé semble-t-il, vague après vague de vider de son sens l’idée de même de gauche.

Vogelsong – 9 avril 2014 – Paris

La stratégie du gémissement

« Je demande justice pour le riche. Il n’a pas froid, il n’a pas faim, c’est vrai. Il est repu, soit. Mais voyez son front soucieux, son âme moins attirée au dehors par les souffrances physiques, est plus au dedans, et s’y agite, s’y tourmente davantage. » A. Thiers

Par quel miracle H. Guaino peut-il, sans que cela le disqualifie totalement de l’espace public, comparer N. Sarkozy au soldat A. Dreyfus ? Par quel jeu de dupes les manifestants anti mariage pour tous, ont pu, sous tous les tons, vociférer sur la dictature socialiste durant des mois ? Par quel étrange phénomène une partie des dominants stridulent, avec comme chambre d’écho une bonne partie des médias, alors que manifestement les effets de la crise frappent de plein fouet d’autres couches de la population ? En d’autres termes comment au vue et aux su de tous, les dominants d’hier se permettent de pousser des gémissements plaintifs sur leur condition enviable. Sans qu’aucun changement majeur dans la façon de gérer les affaires publiques n’aient eu lieu ?

Christopher Dombres

Christopher Dombres

Il est important d’écarter d’emblée la piste politique. F. Hollande a été élu, certes, la continuité en termes économique et social reste de mise. Il suffit d’écouter les diatribes anti-Roms de M. Valls, qui lui vaut une côte de popularité sans précédent, ou d’observer l’accord sur la compétitivité, cet extrait de programme commun à l’envers. Il n’est rien sur le fond que l’on puisse vraiment imputer au parti dit « socialiste » pour les transfigurer en bolcheviques libertaires(1), ruinant moralement et économiquement le pays.

Il n’y a pas si longtemps, N. Sarkozy (s’)était surnommé l’hyper président. Ivre de son pouvoir, sûr de sa force et de sa domination. C’était, il n’y a pas si longtemps. Le rapport des dominants de droite, libérale et réactionnaire avec le pouvoir a ceci de particulier, il est binaire. Il est soit entier et total, soit considéré comme nul. Or on a tendance a oublier que l’obsession de la mandature précédente consistait à conforter la position des possédants. Une politique qui commença en 2002 et qui ne cessa de s’intensifier jusqu’en 2012. Et qui ne s’est guère atténuée depuis (malgré l’alternance). Qu’en d’autres termes, quand l’intégralité des pouvoirs n’est pas mise au profit de la minorité dominante, une forme de dictature s’instaurerait. La démocratie à droite, c’est quand tout est mobilisé à l’endroit d’une classe sociale. Sinon, c’est du bolchevisme.

Il n’est pas une semaine où une décision prise par le gouvernement fasse geindre l’opposition sur le mode « déni de démocratie » ou « abus de pouvoir ». C’est à dire, non pas sur des bases politiques, ce qui pourrait se concevoir. Car vouloir instaurer une société de marché à relents ultra sécuritaires peut très bien s’argumenter. Mais plutôt sur des bases emphatiques, d’un totalitarisme supposé. Dont F. Hollande serait le grand despote.

Ce qui pose finalement question ce n’est pas cette étrange posture du dominant criant sa frustration. Il est vrai qu’en 1981, déjà, on annonçait les chars soviétiques sur les Champs Elysées. Ce qui pose question c’est la capacité d’amnésie des commentateurs et experts, producteurs d’analyses aussi inconséquentes que lacunaires qui ne permettent aucune mise en perspective sur les inanités proférées aujourd’hui par les puissants d’hier et de demain.

Comment laisser dire que l’embastillement d’un militant Anti-mariage gay, ayant agressé la maréchaussée relève de la censure politique, comme le fait I. Rioufol (publiciste supplétif Sarkopeniste). Lui même qui martèle depuis une décennie le retour de l’ordre et de l’ordre moral ? Pourquoi et comment ce type d’assertions peut traverser le prisme médiatique ? Sans qu’à aucun moment ne soit remise en cause le sérieux de ceux qui l’énoncent, et de ceux qui la diffusent. Car pouvoir tout dire n’est pas dire n’importe quoi, n’importe quand.

Le vide politique du Spectacle médiatique laisse le champ libre à une flasque pensée geignarde. D’une catégorie de politiciens qui lorsqu’ils sont au pouvoir (re)prennent les oripeaux de matons. Les frontières droite-gauche se sont estompées, la politique gouvernementale de F. Hollande en faveur des dominants se révèle juste un peu plus complexée que celle de son frénétique prédécesseur. Les ultras d’hier sont devenus les vierges effarouchées d’aujourd’hui. En attendant leur tour d’alternance. Et on aura oublié, comment ils gémirent, pitoyablement.

(1)Oxymore certes, mais vu le niveau du débat public…

nb : Originellement intitulé « Le syndrome de Caliméro »

Vogelsong – 14 juillet 2013 – Port Man

Les matinales de droite sur France Inter

« Nicolas Beytout propose une analyse de l’actualité, ses prises de positions ne sont pas idéologiques.» »P. Val

De quoi la matinale de France Inter est-elle le nom ? La première émission du matin en audience, le lundi 12 novembre 2012 accueille F. Baroin. Estampillé droite classique, conservatrice « old fashion » c’est-à-dire le sarkozysme sans la xénophobie programmatique. Le tout chapeauté par le très libéral N. Beytout qui besogne à chaque ouverture hebdomadaire pour caser dans son édito fourre-tout, « dette publique », « charges sociales », « baisse du coût du travail » et « compétitivité ». Poussant le professionnalisme jusqu’à intervenir dans la partie interactive de l’émission. Finalement, pas si interactive que ça. Si le programme du 12 novembre est emblématique, représentatif, ce n’est pas pour la qualité du débat, ni pour le niveau académique de ses intervenants, mais pour ce qu’elle dit des orientations médiatiques sous un gouvernement de gauche. Ou qui se présente comme tel. Et du sensible glissement des rédactions sur les concepts généraux (charges sociales, compétitivité, croissance). Des thématiques univoques qui instaurent la suprématie idéologique de la droite. Ce que ces débats préparent c’est la future majorité, la prochaine alternance, déjà.

Christopher Dombres

P. Val déclarait en septembre 2012 qu’il se battait pour « que France Inter ne pense pas à la place de l’auditeur, mais donne des éléments du débat pour qu’il pense par lui-même ». Vœu pieux, on se demande alors pourquoi, « sa » matinale se compose exclusivement de ce que la pensée moyenne du pinacle journalistique peut produire. Un mélange homogène de sociaux-démocrates européistes (B. Guetta dont les analyses politiques sont aussi plates que le programme économique de F. Bayrou) mixé à des journalistes totalement soumis à l’ordre économique dominant. Si l’auditeur peut penser par lui-même ce n’est surement pas à l’aune d’un questionnement hors cadre ou dégagé du consensus économique libéral. D’ailleurs F. Baroin résume assez bien le contexte de ce direct en pérorant « la mondialisation c’est comme la météo ». On ne peut rien y changer. Ce qui au mieux s’interprète comme un fatalisme face à la mise en coupe réglée du modèle de développement occidental (santé, éducation, biens communs), au pire, souligne l’inutilité du politique (et de lui-même) face aux tempêtes qui s’annoncent.

Que N. Beytout puisse donner le la, lorsque J. L. Melenchon est invité cela peut se concevoir. Que les présupposés économiques de ce libéral décomplexé colorent toute la matinale alors que F. Baroin est l’invité, dénote une cocasse mise en place des contradictions. Et si l’auditeur peut penser par lui-même comme le prétend P. Val, il fera surement, ailleurs. Et loin. Les idées arrivant avec les mots. Qui, sur cette station ne seront jamais prononcés.

On attend manifestement plus du service public qu’une causerie monotone. France Inter aurait pris un maquis virtuel (de droite). Que la déploration patronale soit à la mode, qu’elle ait un petit côté subversif sous un pouvoir socialiste, cela pourrait passer. Sauf que la matinale d’information ne fait pas son travail. Elle laisse entendre que la France serait en voie de soviétisation, que le matraquage fiscal (comme le dit N. Beytout, qui ne sera pas repris par ses camarades) est une réalité. Que la baisse du coût du travail s’avère une impérieuse obligation. Or c’est très idéologique et partial. Car si matraquage il y a, il s’abat sur les classes moyennes. Si baisse du coût du travail il y a, c’est au détriment de la protection sociale des masses. Petites nuances que les trois autres journalistes laissent passer. Ils laisseront passer le socle de ce qui fait le débat social dans ce pays face aux grincheux de la taxe. Comment faire fonctionner l’État ? Comment maintenir un service de santé, d’éducation décent et universel ? Comment répartir l’effort ? Au lieu de cela on se perd dans des réflexions de comptoir servies par le trublion du jour N. Beytout, à peine plus friedmanien que l’invité (F. Baroin). Et dont l’objectif existentiel ultime se résume à rendre les citoyens compétitifs en baissant les impôts des nantis. Et ce sans que quelqu’un puisse faire entendre un autre point de vue.

S. Halimi déclarait qu’il faudrait des milliers d’heures de médias pour compenser la propagande économique dominante. Certains comme P. Val semblent estimer que c’est inutile. Que l’auditeur sous matraquage médiatique libéral pourra se soustraire à la pression. Par un processus magique. Qu’en d’autres termes peu importe la tendance politique des journalistes, le bon sens l’emportera ! En l’admettant, si tout ceci est sans conséquences, alors pourquoi il n’y a aucun éditorialiste radical dans la matinale ?

Vogelsong – 12 novembre 2012 – Paris

Manuel Valls est-il de droite ?

« Une caméra n’est ni de droite ni de gauche ! » M. Valls le 20 août 2012

De gauche ? De droite ? Ce type de question ne devrait pas être soumis à examen. M. Valls (ou quiconque) s’il le revendique, appartient au camp qu’il choisit. En y apportant sa sensibilité, ses préférences. M. Valls s’est toujours revendiqué comme tel, de gauche. Avec une certaine force d’ailleurs. Clamant son appartenance, son amour à ce champ politique. Évoquant aussi sa famille, républicaine fuyant le franquisme. Pourtant à l’occasion de l’affaire des expulsions de Rroms, la question, déjà ancienne, revient. Parce qu’elle titille, elle gêne, elle exaspère même. Est-ce que finalement ce ministre appartient à la « gauche » ? Et bien au-delà des thématiques sécuritaires dont il a fait sa vitrine, de quel bois est-il fait ?

Sur le blog de L. Mucchielli, J. Le Bohec dresse un portrait au vitriol du ministre de l’Intérieur du gouvernement Ayrault. Dans la même lignée que ces prédécesseurs de droite. Il esquisse aussi un profil plus général de l’homme. De ses prises de positions sociales, sociétales.

Christopher Dombres

M. Valls dans la grande tradition des pragmatiques de la politique française « veut rompre avec la magie du verbe ». C’est à l’occasion du débat sur les retraites initié par E. Woerth qu’il prendra position pour l’augmentation de la durée de cotisation. Il ne fut, bien sûr, pas le seul à gauche, surtout au sein du PS. La magie du verbe qu’il vilipendait, cette ritournelle qui fustige les promesses déçues de la gauche n’est pas nouvelle. Mais M. Valls, innove en bon moderniste qu’il se croit. Cette fois c’est à usage interne, au sein même de la gauche qu’il opère. Début juin 2012, J. F. Copé aux abois après la défaite de la droite à la présidentielle dénonçait les folies « que constituent les cadeaux électoraux du gouvernement, le retour partiel à la retraite à 60 ans, qui vont conduire à « une hausse massive des impôts ». On est ici, à peu près au même endroit.

Pas si loin non plus dans son approche économique, il prône la « responsabilité individuelle », et le « refus de l’assistanat » pour finalement « réconcilier la gauche avec la pensée libérale ». Que le libéralisme économique se soit largement diffusé au sein PS est une évidence. Mais il restait une différence dans la structuration argumentaire avec la droite. Une sorte de réticence à promouvoir l’hostilité générale au sein de la société. Une conscience, peut-être, des dégâts que cela causerait aux citoyens dont ils se pensent représentatifs. Une sorte d’hygiène mentale rétive à l’inéluctable, des rémanences d’une jeune insoumission. Or M. Valls, lui, se jette corps et âme dans la caricature gauchisante tel un E. Brunet qui déclarait dans une émission de TV, bêtise en bandoulière, « C’est l’assistanat qui appauvrit la France ».

Le gouvernement dispose aussi de bon nombre d’adeptes pro nucléaire ou pro OGM. M. Valls se retrouve étonnement dans les deux camps. Il fera même un « abécédaire optimiste » dans une vidéo (assez singulière) pour chanter une ode aux OGM et au progrès. Reprenant termes pour termes les éléments de langage des groupes industriels visant à abolir toute tentation alternative. On trouve peu ou pas de gens à droite anti OGM ou antinucléaire. Non pas que cette condition soit exclusive pour être classé conservateur, mais il s’agit d’un marqueur fort. Un marqueur qui va au-delà du progrès, qui favorise surtout des intérêts industriels, ceux du capital.

Sociétalement, il épouse la rigidité supposée de son pays. Opposé à la proposition de M. Vaillant sur la légalisation du cannabis, il parfait ainsi son profil d’homme à poigne anti laxiste. Car comme tout le monde le sait, les drogues douces sont un fléau social et le premier sas vers les substances dévastatrices. Même si c’est faux c’est ce que pense la plupart des experts ayant pignon sur rue (et sur médias) et dont on inonde de leur pensée l’espace public. C’est aussi la posture simpliste de la droite sur ce thème. Une posture consensuelle qui convient parfaitement à M. Valls.

M. Valls a choisi la gauche tout en se positionnant sur des thématiques conservatrices ou libérales. Des lignes qu’il partage avec certains de ses camarades socialistes, certes, mais dont lui s’est fait une spécificité. Une marque de fabrique. Un système.

C’est en cela qu’il est très apprécié des médias. Avec M. Valls on est rarement déçu, puisqu’il pose invariablement son empreinte « droitière » sur les affaires de « gauche » dont il a la charge. Suscitant ainsi remous, commentaires, indignation.

Au final, cela ne gêne pas grand monde. M. Valls, homme politique de premier plan est la personnalité préférée du gouvernement de gauche de J.M. Ayrault. Bien loin, très loin devant C. Taubira…

ndt : La plupart des sources sont très facilement trouvables, wikipedia, google.

Vogelsong – 21 août 2012 – Paris