Tout est politique, surtout le football

“Les trois plus grands joueurs français de l’après guerre sont d’origine polonaise pour R. Kopa, d’origine italienne pour M. Platini, d’origine algérienne pour Z. Zidane” L. Jaoui dans La Ligne Jaune

Le football est important. Surement pas par le spectacle qu’il véhicule, que chacun peut apprécier selon ses propres critères, mais plutôt par ce qu’il représente dans ses symboles. Quoi que. Autour du globe au pied des tours, dans les quartiers, sur l’asphalte ou les terrains vagues ce n’est pas au rugby auquel les gamins s’adonnent, mais à une course effrénée après un “cuir” parfois fait de carton. On pourra toujours s’interroger, est-ce la faute à Coca-Cola ou grâce au roi Pélé… Universel le football, possible. En tout cas incontournable dans sa dimension sociale. C’est pourquoi l’affaire de discrimination ethnique au sein de la fédération française de football n’est pas un simple fait divers microcosmique circonscrit à un univers clos. Il est par différents aspects très représentatif de la manière dont se structurent la société et le rapport à l’autre.

Futebol 2002 - Gianpaolo Pagni - Editions du Rouergue

Futebol 2002 - Gianpaolo Pagni - Editions du Rouergue

Quand le management ethnique télescope à forte vélocité les valeurs universelles du sport ça fait petit bois. Tant l’écart est immense entre les discours lénifiants de confraternité humaine, et la gestion rationnelle des morphotypes déclinés en nuancier épidermique. Tout ce que le spectateur n’imagine pas : plutôt que des paillettes, l’univers froid de la détection pré pubère des talents footballistiques. Parce qu’à la fin des fins ce qui compte c’est “la gagne”, quel que soit la couleur des peaux qui composent l’équipe. En ce sens, il est marquant de constater qu’il a fallu que la France se mette à déjouer au milieu des années 2000 pour qu’émerge un discours racialiste sur la composition de l’équipe totem. Ce discours qui existait déjà à la base s’est trouvé un écho médiatique : en novembre 2006, G. Frêche “Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu’il y en ait trois ou quatre” ou en 2005, dans la foulée des émeutes de banlieues, A. Finkielkraut déclarera à Haaretz “Les gens disent que l’équipe nationale française est admirée par tous parce qu’elle est black-blanc-beur. En fait, l’équipe de France est aujourd’hui black-black-black, ce qui provoque des ricanements dans toute l’Europe.

Pourrait-on faire un parallèle “oiseux” avec la compétition économique globale ? Où, lorsque les choses deviennent délicates, voire totalement exécrables en termes de chômage et de pauvreté, fleurissent de tous bords les avanies xénophobes. Avec un double effet quand la France sociale dévisse couplée à une France du football qui se ridiculise, l’une ne peut plus compenser l’autre. Voire même l’entraine dans une spirale dépressive. La France de 1998 fut une magnifique bouffée d’oxygène pour l’Entertainment. Une bouée de sauvetage antimorosité qui transforme un chômeur décati en adepte de la gigue de salon face à son poste de télévision. Seule condition, il doit être fan de football. Et dans ce cadre, peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait l’ivresse. En période de crise, dans tous les cas une France perdante l’est de la faute des minorités visibles quelle que soit la discipline. Une nouvelle habitude, presque une seconde peau. Plus fou encore, quitte à perde, elle le devrait dans une certaine pureté ethnique ou culturelle. C’est en substance le discours tenu par les sommités de l’État. Qui fait écho aux propos maladroits de L. Blanc* et des responsables de la Fédération Française de Football.

Futebol 2002 - Gianpaolo Pagni - Editions du Rouergue

Futebol 2002 - Gianpaolo Pagni - Editions du Rouergue

Quand N. Anelka outrage son sélectionneur dans les vestiaires “va te faire enculer sale fils de pute” lors d’un championnat du monde, déferlent avec férocité les sobriquets débilisants sur l’enfant gâté de la banlieue française, crétin, mal éduqué, asocial. Un reflet en trompe l’œil de stéréotypes racialistes de ce que les nouveaux liberalo-réactionnaires appellent les faits irréfutables sur l’échec de l’intégration. Or, lorsque dans une organisation (la FFF) tenue par une majorité de blancs pansus sont proférés, lors d’une réunion officielle, des directives sur des quotas “inversés” de joueurs de couleur, les mêmes qui ont reproduit les allégations de N. Anelka, demandent d’abord des preuves (dont P. Praud n’est qu’un exemple caricatural) puis euphémisent la portée des propos. Pourtant, ni verbatim, ni enregistrement ne sont venus étayer la véracité de l’esclandre entre N. Anelka et R. Domenech. Néanmoins placardés à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires en Une de L’Équipe. Deux couleurs, deux mesures.

Les quotas n’ont de sens que dans un contexte global, en vertu des groupes minoritaires et majoritaires (des dominants et dominés, des racisants et racisés). Dans la perspective de la lutte contre le racisme, il ne faut jamais perdre de vue que la réalité de la société française est une domination économique et symbolique du mâle, riche et blanc. Que toute politique active et progressiste vise à renverser cette donne. Or, la composition d’une équipe de foot, prétendue à l’inverse des archétypes de la société (mais surtout des fantasmes de ceux qui la rêve) doit peut-être susciter d’autres questions. Que font tous ces enfants de l’asphalte dans les clubs de foot ? On ne peut louer les bienfaits de ce sport populaire d’un côté, et s’atterrer d’y voir nombre de joueurs issus des classes populaires y réussir de l’autre. Tout en posant comme prétexte le morphotype du “noir puissant”. Ce même noir (comme J. Tigana) complètement écarté des instances dirigeantes en fin de carrière. L’image de quelques millionnaires fait oublier qu’avant tout le football, dans sa pratique, est une affaire de gueux. Manifestement, en France, ces gueux ont une forte tendance à avoir le teint bigarré.

Et si des quotas doivent s’appliquer c’est d’abord dans la composition des équipes d’entretien qui prennent le métro aux aurores pour faire place nette dans les quartiers d’affaires avant le rush des costumes anthracites.

*Etant entendu que L. Blanc n’est pas raciste

Vogelsong – Paris – 6 mai 2011

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Management fatal

À France Telecom, stigmate purulent du mal-être au travail, on sécurise le bâtiment pour que le suicide ne se produise pas dans l’entreprise. X. Bertrand, le gentil patron de l’UMP, parti qui gouverne la France depuis 2002, veut faire « l’autopsie des suicides ». Les temps sont à l’individualisme, la glorification de la valeur travail et la société du produit. On élit des présidents sur ce thème, on construit des vies sur ce concept. On en meurt aussi, mais pas tout le temps.

HareX. Bertrand se réclame de l’individualisme, de la responsabilité. Pour le chef du 1er parti de France, le travail est l’alpha et l’oméga de l’activité humaine. Seul le travail créerait de la richesse, seul le travail permettrait de la répartir. À l’actif de l’UMP et ses affidés, le rallongement légal de la durée du travail. Les futurs retraités partiront plus tard. Théoriquement. Les salariés devront turbiner davantage. Aussi. On permet à l’employeur et au salarié de se séparer plus facilement, dans une sorte de consentement pacifique et mutuel. Tout cela dans un contexte d’équarrissage des services collectifs non marchands. La paix est déclarée entre les intérêts antagonistes. Le travail pour ceux qui ne le fréquentent pas prend des atours tempérés, un environnement de cravatés épanouis.

La réalité est tout autre. Le management a pris le pouvoir. Édulcorer le réel, vaincre en douceur les rétivités. Endosser le costume du manager, c’est prendre le parti de l’asservissement par le verbe et la méthode. Ces hyperactifs du brassage de concepts ont pour seul et unique objectif d’arracher un consentement enthousiaste pour l’accomplissement de tâches banales ou rébarbatives. Pour une grande partie de la population, le travail sous l’angle de l’épanouissement personnel est un but, non une réalité. Pour une grande partie de la population, le travail est vécu comme un état transitoire « sisyphien » où demain sera mieux grâce à l’évolution de carrière. Pour une grande partie de la population, à la fin des fins, à l’heure des bilans, un seul terme résume une vie entière d’activité : frustration.

D. Linhart, sociologue au CNRS*, évoque le chassé-croisé des valeurs entre le secteur public et le secteur privé. Ce qui fait sens c’est le rapport aux autres, le service que l’on rend à la collectivité. Son intrication dans la société. L’aigreur des salariés du privé envers ceux du public tient principalement à la finalité du travail de chacun. Pour une immense majorité des « créateurs de valeur » du secteur marchand, l’horizon professionnel s’arrête à l’achat et la vente d’un produit (de la cuvette WC à la chaîne HI-FI) ou à la réalisation de séquences qui, même complexes ne forment pas une finalité émancipatrice. Générer du chiffre d’affaires, atteindre un objectif abstrait pour un Homme intègre, ne peut suffire. Les méthodes modernes de management incorporent des aspects éthiques, des chartes, de l’investissement personnel et du « collectif ». Mais ces « pseudo » implications s’avèrent caduques. Il n’y a aucun socle réel à ces assertions. Il est impossible, malgré une rhétorique ciselée, de donner du sens à un non-sens. On se réveille toujours, plus ou moins brutalement, de cette anesthésie managériale. Expliquer aux vendeurs de téléphones portables qu’ils exercent une activité positive pour eux et leurs semblables relève de fariboles. À terme, pour beaucoup la plaisanterie s’achève. Ceux qui leur ont affirmé ça s’en rendent compte, aussi, avec le décalage temporel dû à leurs émoluments. De plus, le turnover imposé au salariat depuis 30 ans ne plaide pas en la faveur du paradoxe don de soi/précarité. À un moment, la conscience émerge, névrosée. Une situation intenable où la démonstration sous sa forme la plus paroxystique se manifeste par le meurtre ou par le suicide.

Généralement, la violence sourde reste contenue. L(e)'(auto)contrôle passe par l’absorption d’antidépresseurs ou la fuite dans des addictions. Pour les plus robustes, la colère est rentrée, les mâchoires serrées. Dans ces cas, pas de bruit, tant que les conséquences sont « propres ». Le système infini de production doit continuer sa besogne. On affirme benoitement que les Français, aux vues d’études et sondages, sont globalement heureux au travail. Ils s’égayeraient avec passion dans la confection d’objets inaccessibles et inutiles. Et à ce train, ils travailleront guillerets et gratuitement dans un avenir tout proche.

La souffrance à France Telecom est abordée comme un épiphénomène. La gauche tombe dans le panneau en demandant la tête de D. Lombard, le président du groupe. Mais ce n’est pas la démission d’un cynique, aux méthodes crasses qui sur le coup d’un décès parla de « mode des suicides », qui changera quoi que ce soit au monde du travail. La gauche comme à son habitude n’est plus capable de penser autrement la société. À droite, on évoque comme de coutume les problèmes strictement personnels des suicidés. Plus à un contresens près, les mêmes qui prônent l’investissement corps et âme dans le travail écartent la responsabilité des entreprises lors de ces drames par l’argument « personnel ». Tout est finalement affaire de communication et de visibilité. Une semaine, le PIB, et la production sont mis au pilori parce qu’incapables de rendre compte réellement du progrès d’un pays**. La suivante, les mêmes se réjouissent d’une croissance retrouvée***. Ce n’est pas la mort d’un salarié qui choque l’oligarchie, mais le symbole mortifère qu’elle inflige au monde de la production.

* Les méthodes managériales du secteur privé envahissent le secteur public. Le secteur privé se dote de chartes éthiques pour simuler des comportements vertueux.
 Pour le malheur de tous "Travaillez sans les autres ?" Danièle Linhart - Seuil
** Rapport J. Stieglitz suivi du discours pontifiant du président N. Sarkozy
**les suicidés par l'activité qu'ils ont générée ont, à un degré infinitésimal, créé de la croissance

Vogelsong – 29 septembre 2009 – Paris

La mémoire courte des censeurs

Voilà que les réactionnaires se font chantres de la liberté d’expression. Les mêmes qui musellent les médias, l’Internet, et qui verrouillent le pays, prennent fait et cause pour le droit à tout dire. Même des inepties. Cela rappelle les ligues de vertu américaines qui s’en prenaient au rock. Une sous-culture jugée à l’époque, dégradante, voire satanique. En France trente années plus tard, c’est à front renversé qu’éclate une polémique sur la liberté d’expression. Où les féministes progressistes interdisent, où les conservateurs se posent en libérateur.

csrAu début des années 80, Lars Ulrich et sa bande soumettent aux tympans pubères le très pacifique « Kill’em all », d’où sera tiré l’hymne au riff dévastateur « Seek and destroy« . Metallica ne fait pas dans la dentelle, ni la guimauve, mais dans l’étendard guerrier et brutal. Presque trente années plus tard cette formation est révérée. Chaque tournée est un triomphe. Le plus grand groupe de métal du monde qui bâtit sa réputation sur des titres, des rythmes et une esthétique outrageusement violents. Et, on ne trouve plus rien à redire.

Aboutissement d’une carrière musicale pour les Rolling Stones. Pris dans la mire de M.Scorcese, ils sont sublimés malgré un vieillissement qu’ils ont de plus en plus de mal à cacher. Avec un standard comme « Under my thumb » que le groupe rejoue systématiquement et dont le monde a oublié qu’il est foncièrement, grossièrement misogyne. Le labial M.Jagger y dépeint le plaisir que procure la mise sous la férule de sa vicieuse compagne. À l’époque les féministes crient au scandale. Depuis M.Jagger est l’ami des présidents, les lionnes d’hier s’extasient lors de dantesques concerts.

L’homme à la tête de choux fait miauler sa fille dans une chansonnette sur le thème de l’inceste. Ce morceau vingt ans plus tard continue de rapporter chaque année son pesant de royalties aux descendants de l’artiste grâce à ses innombrables passages à la radio. S.Gainsbourg connut son heure de censure. La Marseillaise passée aux rythmes du chanvre a contrarié les fiers défenseurs de la nation française. Cette frange politique descendant en droite ligne des conservateurs actuellement au pouvoir en France.

C’est bien le problème de la censure. Quel que soit le bord, la tendance, on trouve toujours une excellente mauvaise raison de l’exercer. Les conservateurs d’hier scandalisés par l’atteinte portée à la nation font beaucoup moins de manières quand la femme est atteinte dans son intégrité, sa chair. Inversement, ceux qui trouvaient la Marseillaise de Gainsbar décapante s’éventent à l’écoute de quelques rimes sanglantes.

Il faut par avance écarter la censure pour qualité. Engoncer la création dans un système normatif est improductif. Mais si, par une utopie ultime, des canons artistiques étaient établis pour passer à la toise les œuvres, il est fort probable que l’industrie de l’entertainment vivrait une apocalypse financière.

N.Chomsky pose un principe politique simple : « L’État ne devrait pas pouvoir déterminer la vérité, même s’il a raison ». Il devrait aussi s’appliquer dans le domaine de la création. Laisser l’artiste, le créateur assumer ses miasmes. Dans la censure, il y a la peur de la vérité. La peur du constat d’échec d’une société qui n’a pas correctement instruit ses semblables. Dont les armes intellectuelles, le sens critique confine à l’indigence. On a peur alors qu’elle rencontre un obscur troubadour, aussi minable qu’il puisse être, et qu’elle y trouve un écho. Une collectivité qui n’a pas peur ni de son ombre, ni du débat devrait accueillir sereinement toute création. La prendre pour ce qu’elle est. La laisser pourrir si besoin.

Une nuée de femmes de toutes générations se précipitent et se pâment aux concerts d’un artiste d’état exhalant la testostérone, ruisselant, dans un bénard lui sculptant les gonades, braillant approximativement, les jambes bien écartées. C’est souvent dans un état orgasmique que cette foule hurle sa joie. Plutôt que de jouer la censure pour de piètres inconnus, les féministes, les progressistes devraient raisonnablement se poser la question, face à ce type de comportement reptilien, de la réussite de leur mission civilisatrice.

Vogelsong – Port-Man – 16 juillet 2009

Ce n’est pas le froid qui tue, c’est la rue !

F.Fillon sort de sa torpeur en cette fin d’année 2008. Engourdi qu’il fut par le frimas hivernal, la marionnette de l’Élysée exige subitement qu’aucune demande d’hébergement pour les SDF ne soit refusée. Tout en commisération, ce gouvernement passé maître dans la gestion de l’émotion, en appelle à l’assistance envers les plus démunis « à l’occasion du réveillon ». Mesure ponctuelle, médiatique et dérisoire.

logo_lesenfantsdedonquichittecom-440x3911La bigote C.Boutin criaille d’émotion, des trémolos dans ses larmoiements en annonçant qu’il ne reste plus que la réquisition et l’embastillement forcé pour parer à la situation de misère des hommes errants dans la froidure des cités. « Parce qu’il n’y a pas d’autre solution ». On pourra être indulgent quant à la clairvoyance sur la situation. Le cynisme alors conduit à s’exprimer sur l’opportunité ou non de la contrainte à l’hébergement. On en fait des tonnes, tout le monde a son opinion. Politiciens, ministres, éditorialistes précepteurs de bonnes idées ont tous leurs réponses idoines sur ce sujet leurre. Le comédien dégingandé A.Legrand se déchaine devant un journaliste médusé lors d’un rare moment de grâce à télévision. Tout y est, pistes, questionnements, réflexions. Il remet au centre du débat ce qui doit être abordé et qui est méticuleusement et sournoisement passé sous silence. La rue, c’est la folie, la crasse, les animaux de compagnie refusés, l’alcool, la violence, la faim, la désocialisation complète, la vie hors marge. Mais pratiquement, au jour le jour, le problème reste entier, des gens « vivent » sur le macadam. Cet état de fait n’est pas dû à la fatalité, à un hiver spécialement rigoureux, ni même à une mauvaise récolte. C’est juste et seulement le résultat de choix politiques.
On se pinçait déjà lorsque L.Jospin piteux candidat en 2002 promettait zéro SDF en 4 quatre ans. Des promesses de gouvernant qui ne croyait pas en son programme Socialiste•. En 2007, le petit candidat gesticulant remit le couvert à ce propos. Des oscillations bien maîtrisées dans la voix, il promettait devant un parterre de notables encartés à l’UMP qu’il règlerait la question des sans-abri. Tonnerre d’applaudissements, on s’esbaudit. Un zéphyr de paroles, comme de tradition. La France a honte de se voir dans ce miroir défigurant. Il faut cacher la misère, l’éradiquer du quotidien ouaté de l’électeur « moyen ». Dans la démocratie d’opinion française, il est de bon ton de jeter de la « poudre aux yeux » du péquin qui, en cette circonstance pantagruélique, bâfre de l’huître d’Oléron, du foie gras du Gers et du chocolat Suisse les orteils douillettement rangés au chaud. De saison. Et il est bien là le problème.
Les clochards meurent aussi (et surtout) l’été. Ce n’est pas le froid qui tue, c’est la rue ! Selon le collectif « Les Morts De La Rue« , il y a autant de décès l’hiver que lors de la saison estivale. Infections, gangrène, hyperthermie (!), sous-nutrition, usure physiologique sont des fléaux qui ne connaissent pas les saisons. Il est d’ailleurs pénible qu’un hère prenant un bain de pisse au mois de mai au détour d’une station de métro ne mette le premier ministre F.Fillon ou une sous-ministre telle que la « gauchisante » F.Amara dans le même état d’hystérie empathique qu’aux moments des fêtes de fin d’année. Cela reste un mystère constant et impénétrable.
La France du travail est ressassée par les zélateurs du gouvernement UMP, en particulier par la « bouche de Sarkozy » F.Lefebvre. Toujours prompte à jeter l’anathème sur le partage, en particulier celui des emplois, la doxa impose la présomption de paresse à tous ceux qui n’ont pas d’activité laborieuse. Dans l’imaginaire distillé par la communication d’état, tout se mêle, pauvre, assistanat, mérite, travail, salaires, impôts. Un salmigondis idéologique qui permet tous les excès. Sentiment renforcé par la mise en place du revenu de solidarité active du sycophante M.Hirsch. On pourra toujours pleurer sur les gueux qui peuplent les boulevards. Mais ils symbolisent la punition vivante (et mourante), le stade terminal pour les citoyens qui pourraient se mettre en tête de relâcher un peu les efforts. Les villes de France se sont peuplées de piloris ambulants (100 000 selon des statistiques floues). Le meilleur contre exemple à tous ceux qui renâclent ou contestent. Qui pensent peut-être qu’autre chose est possible (reste à définir quoi, mais questionnent le sens). Plus démonstratif qu’une réclame sur le pouvoir d’achat°, plus convaincant que mille discours d’un candidat « sondagièrement » hégémonique : Si vous ne voulez pas être ça ! Travaillez et bouclez-la !

• Souligné par l’auteur

°Une somme rondelette de plus de 4 000 000 d’euros engagée par le propagandiste T.Saussez

Vogelsong – 2 janvier 2009 – Paris

Consommation de viande : évolution nécessaire

Selon les paléoanthropologues, la consommation de viande a permis le développement du cerveau de l’hominidé. En effet, ce sont les réserves de graisses stockées après la consommation des chairs animales (et peut être « hominidiennes ») qui sont en grande partie à l’origine de ce que l’homme est aujourd’hui.

W0188-08Cela nous ramène à quelques millions d’années, à l’aube du monde humain, bien avant les débuts de la civilisation, de la consommation comme objectif de vie.
Aujourd’hui plus de 40 milliards d’animaux sont abattus annuellement. Une activité sous traitée et déshumanisée qui n’affecte personne, ni par son symbole, ni par son ampleur. Alors quelles sont les conséquences ?
De l’approche chasseur-cueilleur, l’humanité est passée à celle de l’éleveur-cultivateur, pour finalement atteindre au cours de la fin du XXe siècle un climax en termes d’extensification et d’intensification. Les comportements ont évolués en même temps sans que l’on puisse vraiment dire qui de la production ou de la consommation a suivi l’autre. En effet, la préparation de chair animale a longtemps été une activité festive, ponctuelle, onéreuse. Elle s’est mue en une pratique pantagruélique, s’appuyant sur des atours gastronomiques et sanitaires. La communication du lobby producteur en est un exemple frappant, manipulant le terroir et les vieilles lunes du bien-être (« manger de la viande rend fort » par exemple).
Au XIXe siècle la consommation annuelle de viande était en moyenne inférieure à 20 kg par personne en Europe. En 1920, elle passe à 30 kg puis en 1960 à 50 kg. En 2008, c’est 100 kg de viande par personne et par an qui est ingurgité en moyenne sur le continent*.
Mondialement, la production de viande s’élève selon la FAO à 265 millions de tonnes, et passera à 450 millions de tonnes à l’horizon 2050. Principalement dû au rattrapage des pays (aujourd’hui) en développement. On peut faire confiance au gargantuesque complexe agroalimentaire pour  faire avaler quasi quotidiennement un steak et des frites au milliard et demi de chinois.
Evident, ces choix d’alimentation ont un coût.
Pour Toumaï, l’air était frais, le climat en accord avec l’évolution naturelle de la planète, les ressources vierges.
Le mode de vie frénétique imposé à la planète au cours du XXe siècle après J.C. a grandement détérioré l’environnement. En particulier les gaz à effet de serre qui influent sur le climat global : fonte des glaces, changement radicaux dans les climats régionaux, réchauffement général. Selon les spécialistes de la FAO, la production animale est responsable de plus d’émission de gaz à effet de serre que le secteur des transports**. L’activité est responsable de 65 % des émissions d’hémioxyde d’azote, un gaz au potentiel de réchauffement global 296 fois plus élevé que celui du CO2, essentiellement imputable au fumier. De plus, le bétail produit 37% des exhalations de méthane. Ce gaz, produit par le système digestif des ruminants, agit 23 fois plus que le CO2 sur le réchauffement.
Les pluies acides sont aussi en cause. L’exploitation animale produit 37% du méthane et 67% de l’ammoniac qui ont un effet sensible sur ce type de précipitations.
Les sols paient aussi un lourd tribut. On considère que 20% des sols de pâturage sont dégradés. Le compactage, l’érosion, les pesticides, mais aussi les antibiotiques sont à l’origine de la dégradation des sols et par là même des eaux et des nappes phréatiques.

Lucy s’égayait librement dans la savane où elle trouvait les aliments nécessaires à sa survie. Il n’y avait aucune contrainte de production relative à la population.
Au début du XXIe siècle, les pâturages occupent 30 % des surfaces émergées, alors que 33 % des terres arables sont utilisées pour produire l’alimentation du bétail. Ces surfaces sont insuffisantes pour répondre à la demande future, ce qui entraîne le défrichage de forêts.
La consommation effrénée de chair animale provoque un immense gâchis nutritionnel. Outre les terres consacrées au pâturage, 60% des cultures de céréales, blé, orge sont destinés à l’alimentation animale. En 2005, 90% des 210 millions de tonnes de soja produit, le furent pour nourrir les animaux.
De plus, le ratio nutritionnel animal est exécrable. L’adage qui veut que « tout est bon dans le cochon » est une fable. Le taux de conversion de protéines végétales en protéine animale s’établit à 2,85 pour la viande porcine (il faut 2,85 kg de céréales pour produire 1 kg de viande), et atteint 8 pour le bœuf***. On nourrit les animaux pour nourrir les occidentaux sans combattre les famines endémiques de nombreuses régions du globe. Pour des raisons essentiellement gustatives, l’européen qui se prend pour une toque étoilée, sans (vouloir) le savoir, entretien cette calamité.

De 6,5 milliards en 2007, l’homo sapiens passera à plus de 11 milliards en 2050. Le descendant de l’hominidé peut continuer à bâfrer du steak et se dire qu’après lui, le déluge. Cet Homme pensant devrait portant préserver les ressources afin de les partager aujourd’hui et demain. Il deviendrait alors vraiment sage.

*120 kg aux USA
**Dont le transport de bétail et de viande exotique a un effet induit
***Le bœuf n’est pas nourrit aux céréales, il faut 100m2 pour produire 1kg de bœuf

vogelsong – Paris – 13 septembre 2009