Nicolas Sarkozy, poker menteur

Le Spectacle est le mauvais rêve de la société moderne enchainée, qui n’exprime finalement que son désir de dormir » G. Debord

Il n’a plus que deux cartes. Sécurité et immigration. C’est la grande différence entre le N. Sarkozy de 2012 et celui de 2007. Elles pourraient suffire car les études d’opinion, bien que discutables, montrent qu’un tiers de ceux qui iront voter pourraient donner leur voix au président sortant. Or ceci constaté, c’est tout l’édifice démocratique qui peut être remis en question. Le processus même de désignation par le peuple (dont on aime aujourd’hui se réclamer) de son représentant.

On a deux certitudes avant le scrutin, que de bilan il n’y a pas. En d’autres termes, que de réformes positives vers le progrès, il n’y a pas. Que l’amélioration du plus grand nombre, même au prix de contorsion sémantique et de chiffres cafouilleux sur une hypothétique embellie pour une partie des Français, confine à l’abus de langage voire au mensonge. Deuxième certitude, et c’est la plus importante, dans la course à l’accession, l’homme de l’Élysée a pris le pari de ne pas faire campagne. De ne pas faire campagne au sens programmatique du terme. C’est à ce niveau que se situent l’extrême incongruité et l’intérêt du candidat Sarkozy. Dans sa manière d’agir, alliance de culot et de cynisme, il nous parle de notre époque, de la politique et du non-sens de cette campagne présidentielle (de nous).

Car est-il raisonnable dans une démocratie dite avancée, qu’une machine de guerre politique (l’UMP) briguant les affaires du pays puisse battre campagne sur le squelettique projet de rassurer une population qu’elle a préalablement plongée dans l’anxiété ?

On assiste à un roulé-boulé permanent entre N. Sarkozy et les médias. On ne sait d’ailleurs plus qui a donné la première impulsion. C’est avec un sens aigu du timing scénaristique que le candidat de l’Élysée toujours a su épouser, non pas les sujets cruciaux pour les Français, mais les sujets cruciaux lui conférant une surface médiatique décuplée. Au risque même de dépasser les limites républicaines et de croiser celles de la xénophobie. Aux oubliettes les solutions économiques et sociales, N. Sarkozy est passé à l’émotionnel pur, décidant à moins de vingt jours de l’élection d’adresser une lettre aux Français, et un document programme rachitique. C’est l’avènement le plus complet de la démocratie de marché qui préfère la promotion, le marketing au produit. Qui s’ingénie à capter les attentions, à susciter l’émotion, abandonnant le terrain du concret. Dans un spectacle permanent de fascination pour ce surdoué du petit écran, et d’écoeurement par la boulimie de pouvoir de cet être infatué.

Le volontarisme politique de 2007 s’est évaporé. Quoi qu’on en pense, le «travailler plus pour gagner plus » avait un panache idéologique. Il reprenait de vieilles lunes libérales, sur lesquelles il était possible de s’écharper. Il ouvrait un débat clair sur le type de société proposée, cette fameuse France d’après. Mais le volontarisme a laissé la place au poker menteur d’un candidat porté par sa seule présence. Que l’usine médiatique bon gré, mal gré a érigé en tête de gondole. C’est en ce sens qu’il pose un « problème  démocratique ». Par sa position de chef de l’État sortant, il impose sa légitimité sans faire campagne, une «wild card» présidentielle, le qualifiant au second tour sans jouer. Comble du paradoxe, un président qui s’est évertué à désacraliser la fonction présidentielle s’en sert comme d’une assurance pour s’imposer comme candidat naturel.

On pourra se questionner sur la fascination des médias pour ce type d’intelligence politique. Du quarteron d’experts politologues qui ont oublié l’essentiel : c’est-à-dire les soixante derniers mois, la montée du chômage, la désindustrialisation, la paupérisation et la stigmatisation des minorités. Pour se répandre sur l’accessoire : comment cet homme brillant, ce candidat hors pair va accéder au pouvoir de façon tactique. Comment sans aucune carte maitresse, il pourrait peut-être arriver au second tour et mettre K.O. lors du débat télévisé de deux heures son adversaire. Comment finalement élire un excellent candidat et un exécrable président ?

Au bout de cinq années, on va jouer les cinq années suivantes sur un coup de poker ? Sans que personne ne se pose la question de l’absurdité de la situation. Sans qu’à aucun moment, face à cette inutile dissipation d’énergie, l’appareil « démocratique » ne réagisse…

Vogelsong – 6 avril 2012 – Paris

10 réflexions sur “Nicolas Sarkozy, poker menteur

  1. Comme tout bon camelot Sarkozy arrive à vendre sa camelote en ayant comme préalable que tout ce que font les autres ne vaut rien !
    Il serait même capable de vendre un vélo à un cul-de-jatte ! La preuve il a bien vendu du « travailler plus pour gagner plus » à des retraités et des rentiers spéculateurs de préférence !

    Ce qui démontre bien que son électorat n’est pas intéressé par la « chose » commune mais bien plus souvent par le seul souci de préserver ses privilèges personnels ! 30% de la population des votants c’est déjà énorme , et de plus c’est cette catégorie qui s’abstiendra le moins !

    Tandis qu’à gauche , mais aussi dans les milieux « branchés » , on fait la fine bouche pour savoir si Hollande est trop « mou » ou pas assez à gauche , si Mélenchon l’est trop ou pas assez , si Eva Joly a changé de lunettes ou si Arthaud et Poutou font à eux deux 1% !
    Au FDG on est intransigeants , sur beaucoup de forums on peut lire , c’est Mélenchon ou rien , je vote pour lui au premier tour et si c’est Hollande qui arrive en tête je m’abstiens au deuxième ! Plus mélenchoniste que lui , tu meurs ! Car il a pourtant été très clair sur la question . Il appellera à voter Hollande , et l’inverse est d’ailleurs vrai aussi !

    Dans ce cas ce n’est plus du Poker car je suppose qu’on ne dévoile pas son jeu à l’adversaire ni qu’on lui donne des cartes ! Je préfère jouer à la belote qui est un jeu d’équipe .

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  2. Je m’invite a votre table.
    Je vais jouer mes quelques derniers jetons qu’il me reste après 5 années de jeux et de paris. Et c’est bien de cela qu’il s’agit.
    Tant de défis sont a relever depuis 2007. La méthode employée depuis: le bluff.
    Nicolas, suit parfaitement les conseils de son ami, l’expert Patrick Bruel: « Ce ne sont pas les cartes qui comptent: c’est ce qu’on en fait. »

    Ne soyons pas mauvais joueur. Le joueur Sarkozy a un projet fait de vraies propositions qui vont changer la vie des gens. Des choix cruciaux
    qui vont tout changer pour les 5 millions de chômeurs et de précaires, les 8 millions de pauvres… Je vous en met ici la liste des cartes:

    9: Deux débats entre les 2 tours. Ceci va bouleverser le monde!
    Dame: Passer le code au lycée.
    Roi: Sortir de Shengen
    10: Ne plus payer notre contribution a l’Europe
    Valet: Réduire l’immigration de moitié.

    Même le plus mauvais joueur de Poker remarquera que cette série de carte ne vaut rien. Sauf… A la Belote. Car peut être que nous n’avons rien suivi ni compris au jeu. Nous sommes peut être hors jeu. Et ce quarteron de politologues est peut être une table de joueurs de Belote. Même si le poker est a la mode et médiatisée, le plus grand nombre joue a la Belote! Dans les foyers et clubs pour nos aines on joue a la Belote.
    Vous n’aurez pas été sans remarquer qu’il manque une carte maîtresse dans cette série pour gagner. Qui la détient? Les gens bien pensants, sympathisants et militants UMP? Ou alors nous? Nous les fauchés, la France qui se lève tôt, les indignes, les chômeurs, les précaires, les classes moyennes, les jeunes, les vieux, les intellos, les cons, les bogosses ou bobos; bref, nous la France.
    Nous sommes 49 millions a avoir la carte gagnante, c’est notre carte d’électeur. C’est bien plus sérieux pour changer notre destin.

    Notre vie, notre avenir, celui de nos enfants ne doit plus être mis en jeu. Nous avons le devoir de sortir du casino.

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  3. La tactique utilisée par Sarkozy est piégeante, en effet il lance des mesures qui ne sont pas à la hauteur de la crise actuelle, mais ses adversaires sont obligés de donner leur avis et souvent surenchérir sous peine de faire croire qu’ils ne s’interressent pas au problème. C’est le cas pour le permis de conduire. J’ai lu un commentaire qui disait : imaginez De Gaulle et Mitterrand débattre de ce sujet en 1965 ! Les adversaires sont entrainés sur ce terrain, avec la complaisance des médias, si il n’y vont pas ils vont apparaitre comme ne prenant pas en compte les problèmes des jeunes et permettre à Sarkozy de grapiller quelques voix. C’est le même principe avec le versement des retraites le 1er du mois.

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  7. Je rebondis sur ton « C’est l’avènement le plus complet de la démocratie de marché qui préfère la promotion, le marketing au produit. »

    Hier David Revault d’Allonnes a employé les termes suivants : « les parts de marché » en parlant de votes des électeurs. Je ne comprends même pas que ça n’ait pas fait bondir tout le monde. Parce que de fait, cela entérine en public qu’il ne s’agit plus de politique mais bel et bien de marketing. C’est très grave.

    Avec l’avènement d’un marketing électoral assumé en lieu et place d’un programme, c’est quelque part la démocratie qu’on assassine.

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