Une République en délabrement – #2 La corruption de la démocratie

“Dès que l’on met un qualificatif derrière le mot République, il faut s’inquiéter. Soit on est fort sur les principes, soit on les aménage…” S. Tessier à propos de la « République irréprochable » de N. Sarkozy le 12 juillet 2010
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La voix puissante de F. Fillon résonne dans l’hémicycle “Vous avez perdu, la démocratie a gagné”. C’est en ces termes que le premier ministre en 2010 conçoit le jeu démocratique entre les acteurs de la scène politique française. Une dichotomie franche entre les méchants et les gentils. Pourtant, pris au coeur de la tourmente de conflits d’intérêts et de présomption de financements illicites, c’est avec l’assurance des vainqueurs que les politiciens de l’UMP, promus au rang de dictaphones, déversent à l’envi des généralités sur la République. Comme le souligne S. Tessier de l’association « Anticor« , la corruption gangrène la démocratie, et plus que cela elle évoque par des pratiques politiques et culturelles la corruption même de la démocratie.
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Un jour avant la fête nationale, l’association Anticor a remis une lettre dans une enveloppe Kraft aux 577 députés de l’Assemblée nationale. Signifiant à la représentation du peuple qu’ils ne signifiaient plus rien. Ou plus grand-chose. Que devant le discrédit de la classe politique française, il fallait prendre ses responsabilités. Changer. Changer, car le rôle de la représentation nationale ne se borne pas à entériner les petits caprices du gouvernement à l’écoute de seuls intérêts particuliers, mais doit le contrôler dans ses excès. Et ce n’est plus le cas depuis longtemps.
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L’intérêt particulier élevé au rang d’idéologie
C’est probablement ce qu’il restera du sarkozysme, une fois que la poussière des fracas sera retombée. La contemplation d’une société névrosée enfermée dans ses petites turpitudes, ses petites combines où l’autre n’est plus un concitoyen partageant le même espace national, mais un concurrent dangereux à l’impitoyable jeu de la réussite. Où tout se vend, tout s’achète. Car ce qui s’est instillé depuis la prise de pouvoir de la nouvelle génération d’élus UMP constitue une autre de manière d’appréhender le « bien commun ». Non pas par une vision collective du bien public, souvent très différente, voire antagoniste des intérêts privés, mais plutôt une société de la débrouille où les plus nantis s’égayeront à leur gré, laissant les outsiders à leur médiocrité. Ce qui restera de l’ère Sarkozy ce sera ça. Une société recroquevillée et paranoïaque.
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Le règne de l’intérêt privé par les lois
Derrière le discours manichéen, il y a les faits. Le gouvernement de F. Fillon a dispensé les largesses de la République à des intérêts catégoriels, spécifiques qui entraînent de facto un pourrissement de l’idée de démocratie. En pratique depuis son accession, les amis de N. Sarkozy se sont largement goinfrés. Par le biais des normes législatives ou des décisions politiques. Que cela soit sur la libéralisation des jeux d’argent, où l’on apprend que la femme du ministre E. Woerth qui présente la loi d’ouverture des jeux en lignes est liée à la direction du PMU. Un petit exemple de ce que la république fait de plus irréprochable. Dans un autre domaine, la campagne de vaccination menée par R. Bachelot semble s’apparenter plus à du copinage d’officines qu’à une politique de santé publique rigoureuse. Les entrepôts garnis de vaccins l’attestent. Mais plus important, l’orientation générale donnée par le gouvernement sur sa politique économique et sociale. Outre la loi TEPA sensé booster l’économie, le gouvernement a prétendu moderniser le pays et faire face au défi de la mondialisation. Mais plus grave, il finance les délocalisations. Par l’intermédiaire d’aides de l’État jamais soumises à contreparties. Les entreprises détruisent des emplois puis délocalisent. Le centre d’appels « teleperformance »,  par exemple, prestataire de l’Etat français, dégage des bénéfices, dispose d’aides publiques, mais transfère ses emplois au Maroc.
De quel intérêt général s’agit-il ? Un député (quel que soit son bord) peut-il l’expliquer à un honnête citoyen ?
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La France un havre fiscal
La France sous certains aspects peut s’apparenter à un paradis fiscal. Une panoplie de défiscalisation a largement été déployée. Elle l’a été notamment au profit d’une catégorie spécifique de la population. À ce petit jeu, les plus fortunés y trouvent leur compte. Le taux marginal d’imposition peut chuter jusqu’à 25%, c’est-à-dire le taux d’imposition d’un salarié moyen.
D’autre part, la république a procédé à un désarmement unilatéral face à la fraude fiscale. Une fraude qui représente 50 milliards d’euros par an. Une peccadille que F. Baroin préfère ignorer. Concentrant son attention à la fraude aux prestations sociales et à la baisse des aides aux logements étudiants. S’il était besoin de montrer la détermination de la droite pour récupérer l’argent soustrait au fisc, c’est 15 000 postes d’agents qui auront été supprimés sur 10 ans. F. Baroin, le gouvernement Sarkozy n’inverseront pas la tendance.
Alors que l’État n’a plus de ressources, le gouvernement consent depuis une décennie des  avantages de plus en plus grands aux catégories les aisées de la population. Les élus de la république rendent indirectement plus de comptes aux actionnaires qu’aux citoyens.
De quelle démocratie s’agit-il ? De quelle souveraineté populaire parle-t-on ?
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La politique de la démotivation
Mais il semble que la majorité actuelle pense tirer profit du dégout général. Au petit jeu de l’abstention ou de l’émergence du Front national, c’est la droite qui l’emporte. À la fin. Toujours. Par ces pratiques culturelles, le petit monde politique français tend à dépolitiser le débat. Et ce n’est pas un hasard si les représentants de la droite se sont engouffrés dans la récitation des grands principes démocratiques. L’intérêt supérieur se substitue à l’intérêt général. Un intérêt supérieur derrière lequel tout est imaginable. Par exemple, faire rempart au trotskysme ou au fascisme.
En ce sens, le délabrement de l’idée même de République tient en deux grands axes. Servir les intérêts particuliers et les puissances de l’argent, écartant d’un revers de main toute critique, car il ferait le « jeu des extrêmes ». Ce faisant il démotive le citoyen blasé de la chose publique, car tous pourris. D’une pierre deux coups, c’est l’accaparement du pouvoir pour une minorité et la conservation de celui-ci par défaut.
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C’est ensuite au quatrième pouvoir de rentrer en scène. Le lieu de l’information par  lequel peut s’établir un débat sain sur le sens que l’on veut donner à la République. Doit-on accepter d’un commun accord le glissement vers une société d’intérêts privés, où la corruption serait un élément moteur de la dynamique citoyenne ? Faut-il donner un coup d’arrêt aux dérives actuelles et rendre aux citoyens leur capacité de juger ? À la vue des prestations journalistiques, comme celle de D. Pujadas face au président, relevant plus de la manucure que de l’interview à proprement parlé, il est permis de se poser quelques questions sur le sens que prendra le débat. S. Tessier déclarait très sérieusement à la fin d’un entretien “On ne va pas se mentir, on n’est plus en démocratie”.
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[tweetmeme source= « Vogelsong »]

Vogelsong – 14 juillet 2010 – Paris

26 réflexions sur “Une République en délabrement – #2 La corruption de la démocratie

  1. Pingback: Tweets that mention Une République en délabrement – #2 La corruption de la démocratie | Piratage(s) -- Topsy.com

  2. Tu n’y est pas du tout. Tu n’as pas le sens des réalités!
    Pour sauver notre économie, pour que l’argent tourne dans toutes les couches de la sociétés, y-compris parmi les plus jeunes, dans les cours d’écoles, la seule solution est de RENDRE CORRUPTION OBLIGATOIRE!
    Pas un seul contact humain sans dessous de table ne devrait plus être toléré!
    D’ailleurs, il faudrait former un organisme de contrôle et de certification de la corruption qui pourrait se financer par un pourcentage prélevés sur lesdits dessous de table. Il aurait la charge de délivrer la label « CBIEN (Contact bénéficiant indirectement à l’économie de la Nation ».
    Tu imagines les milliards d’Euros injectés dans l’économie?

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      • La corruption gangrène un pays, la devise de ce monde n’est plus l’amour du prochain l’économie impose sa de vise dévorez vous entre vous nations et continents
        Les maîtres invisibles de ce monde du fric vous transforment en fauves grâce aux lois de ce marché de dupes qui nous met en concurrence avec les pays émergents , nous allons droit dans le mur l’économie ne doit pas asservir l’homme et les lois du profit ne doivent pas permettre cette destruction de notre planète qui est bien avancéeSoyons des citoyens responsables et non des criminels en puissance!

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  3. L’intérêt particulier élevé au rang d’idéologie, n’est-ce pas là la définition même du capitalisme libéral ? donc pas de surprise, c’est conforme avec l’agenda pour lequel il a été élu (comment ? ça ne correspond pas aux promesses de campagne ? mais mon bon Monsieur, chacun sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, et le sieur Sarko ne s’est jamais caché de la doctrine qu’il avait épousée !)
    Quant au terme « officine », je croyais qu’il était réservé à des nids de trotsko-fascistes à moustaches mais, à l’évidence, les fascistes ne sont pas ceux que l’on croit !!! (me semble avoir lu un montant de 600 Millions d’€ dépensés en vain par notre Bachelotte…enfin, pas vain pour tout le monde, s’entend ! ses anciens employeurs doivent être ravis !)

    petite question : d’où sors-tu le chiffre de 50 milliards de fraude fiscale ? ça me semble plausible, mais si tu pouvais sourcer…

    très bon billet, comme d’hab (et qui s’est fait attendre ! ça fait des jours que je scrute mon Feedly en attendant que Piratages apparaisse dans les news :-)

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    • Concernant le libéralisme. il y a le livresque, une sorte de paradis de l’équilibre générale, où tous trouve par miracle sa place. On n’est pas là. On ne le sera jamais d’ailleurs, puisqu’il est une utopie pour faire passer le reste.

      On serait plutôt dans un liberalisme pragmatique. Le sarkozysme…

      Le 50 milliards de fraude sont cités par S. Tessier. Je posterai les videos bientôt.

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  4. Comme il ne faut attendre de notre gouvernement prenne les choses en mains, il faut que nous, les citoyens, nous organisions! Qui serait partant pour former l’embryon du cet organisme de contrôle et de certification?
    Pour montrer l’exemple, nous pourrions tourner des vidéos dans. la rue pour débusquer toutes les formes de contacts humains à caractère gratuit, et les verbaliser derechef en appliquant une amende aux contrevenants. Dans le cas où nous constaterions un dessous de table effectif, nous délivrerions notre label CBIEN en échange de, disons 20% du montant. Une association Loi de 1901 pourrait faire l’affaire pour commencer, avant de la faire reconnaître d’Utilité Publique auprès de la Fondation de France… Alors qui est partant?

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  6. LOL tu as dégoupillé rapidement.

    Je retiens 3 trucs de plus :

    1/ la démocratie participative comme solution: contrôle par les citoyens, cf ma remarque sur les jury populaires démontée en 2007.
    2/ l’action locale : faire comprendre aux citoyens que la corruption locale (eaux etc..) est liée au système globale et donc les faire prendre conscience du tout.
    3/ personne (pas même la gauche de 97 a 2002) n’a lutté contre la fraude fiscale massive qui prive la nation de ressources et fait payer aux honnêtes citoyens le luxe des fraudeurs.

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    • Pour fêter le 14 juillet :)

      1/ La démocratie participative, je n’en ai toujours pas les modalités pratiques. Les conditions psycho-sociales ne me semblent pas réunies.

      2/Peut-être commencer par ça.

      3/ Ouais….

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  7. République en délabrement
    Par construction une république est une forme d’état centralisateur, liberticide et corrompu.
    Les meilleurs exemples de républiques sont par exemple: les Bananières, l’URSS, l’Iran, la Chine.
    La France a le triste honneur historique d’avoir remis en vigueur cette forme de gouvernement qui dans l’antiquité n’était qu’une forme de dictature clientéliste déguisée.
    Les pires régimes de la Grèce et de Rome ont été des républiques.

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  8. Liliane Bettencourt vient de déclarer :

    « Il est absurde de penser que des hommes politiques aient pu recevoir des enveloppes à notre table », se serait exclamé l’héritière de L’Oréal lors d’un récent entretien avec son conseil, avant d’ajouter : « Si cela avait été le cas, jamais la secrétaire comptable Claire Thibout n’en aurait été informée. »

    Selon Maître Kiejman, Liliane Bettencourt aurait même ironisé : « Remettre des enveloppes à table serait vraiment une entorse à la bonne éducation…»

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/07/14/01016-20100714ARTFIG00426-liliane-bettencourt-ordonne-un-audit-de-ses-societes.php

    Mais Claire Thibout n’a jamais dit que les enveloppes étaient données à des hommes politiques à la table des Bettencourt, pendant le repas.

    Claire Thibout , l’ex-comptable des Bettencourt de mai 1995 à novembre 2008, raconte que des hommes politiques recevaient de l’argent liquide après le repas, dans l’un des petits salons situés au rez-de-chaussée.

    Par exemple, Claire Thibout raconte :

    « Nicolas Sarkozy recevait aussi son enveloppe, ça se passait dans l’un des petits salons situés au rez-de-chaussée, près de la salle à manger. Ca se passait généralement après le repas, tout le monde le savait dans la maison. Comme M. et Mme Bettencourt souffraient tous les deux de surdité, ils parlaient très forts et de l’autre côté de la porte, on entendait souvent des choses que l’on n’aurait pas dû entendre. Encore une fois, tout le monde savait dans la maison que Sarkozy aussi allait voir les Bettencourt pour récupérer de l’argent. C’était un habitué. Le jour où il venait, lui comme les autres d’ailleurs, on me demandait juste avant le repas d’apporter une enveloppe kraft demi-format, avec laquelle il repartait. Je ne suis pas stupide quand même, inutile de me faire un dessin pour comprendre ce qu’il se passait… ».

    http://www.mediapart.fr/journal/france/060710/lex-comptable-des-bettencourt-accuse-des-enveloppes-dargent-woerth-et-sarkozy#comment-571471

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    • L’art de jouer sur les mots.
      On imagine bien que les choses se font discrètement et non entre la poire et le fromage devant tout le monde.
      Voilà en fait, comment à force de nous prendre pour des imbéciles ouvertement, toute cette société dite « Haute Société » nage dans un drôle de bain qui nous est devenu totalement étranger.

      Ont-ils perdu de vue les 5 premiers article de la constitution Française? peuple souverain, président de la république garant de l’application de la constitution?!

      A relire la constitution Française :

      http://www.legifrance.gouv.fr/html/constitution/constitution2.htm#titre1

      Et avec surprise, nous constatons combien ils nous en éloignent tous les jours!
      Bonne journée à tous! :)

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  9. Pingback: Une République en délabrement – #3 Le stade ultime de la corruption – Entretien vidéo de S. Tessier d’ANTICOR | Piratage(s)

  10. je ne sais pas pourquoi, quand je te lis, j’ai presque honte de ce que j’écris et je me dis… « peut mieux faire ». Chapeau bas, sans flatterie aucune. tu le sais certainement, ce n’est pas mon genre. have a nice day. Et vive le piratage, avec ou sans s.

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  11. Pingback: L’Etat bradé | Le Blog de Gabale

  12. Pingback: La corruption est l’affaire de chacun. « Les coulisses de Sarkofrance

  13. Pingback: Est-on vraiment encore en démocratie ? « Les coulisses de Sarkofrance

  14. Un oubli : j’ai lu intégralement les écoutes publiées ici par le point et je me demande comment il est possible de maintenir le Procureur Courroye sur ces affaires!!
    C’est long, mais bien retranscrit et çà vaut la peine d’être lu en entier pour avoir une pleine vision de l’étendue des problèmes : courage c’est pas joli joli :

    http://www.lepoint.fr/societe/document-affaire-bettencourt-les-enregistrements-secrets-05-07-2010-1211175_23.php

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  15. Pingback: Nous ne sommes plus en démocratie « anticor.org

  16. Pingback: Les coulisses de Sarkofrance Confidences d'un blogueur antisarkozyste à la retraite, auteur de Sarkofrance (2007-2012)

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